Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/215

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trée du taillis, resserré dans un espace très-étroit et présentant une phalange si imposante, que leurs andouillers paraissaient au loin, sur le bord du passage escarpé, comme une forêt dépouillée de feuilles. Leur nombre était très-grand, et dans une pause désespérée qu’ils firent tandis que les plus grands cerfs étaient rangés en avant, dans une sorte d’ordre de bataille, contemplant le groupe qui leur barrait le passage du taillis, les chasseurs les plus expérimentés commencèrent à en augurer du danger. Cependant l’œuvre de la destruction commençait de tous côtés ; les chiens et les chasseurs étaient à l’ouvrage, et les mousquets et les fusils résonnaient de toutes parts ; les daims, poussés au désespoir, firent enfin une charge effroyable sur l’endroit où s’étaient placés les chasseurs les plus distingués : on leur cria en gaëlique de se jeter visage contre terre ; mais Waverley, dont les oreilles anglaises n’avaient pu connaître le signal, faillit devenir victime de son ignorance de l’ancienne langue dans laquelle il avait été donné. Fergus, apercevant son danger, s’élança précipitamment et le tira avec violence par terre, précisément à l’instant où tout le troupeau fondait sur eux. On ne pouvait résister à ce torrent, et les blessures de la corne du cerf étant fort dangereuses[1], on peut dire que dans ce cas l’activité du chef sauva la vie à son hôte : il le retint fortement contre la terre jusqu’à ce que tout le troupeau eût entièrement passé par-dessus leurs corps. Waverley essaya alors de se lever, mais il s’aperçut qu’il avait reçu plusieurs fortes contusions, et un examen plus approfondi découvrit qu’il s’était foulé très-fortement la cheville.

Cet accident réprima la joie générale, quoique les montagnards, habitués et préparés à de pareils incidents, n’eussent éprouvé aucun mal. En un instant on eut construit une cabane, dans laquelle on déposa Édouard sur un lit de fougère ; le chirurgien, ou celui qui prenait ce titre, paraissait réunir les qualités de médecin et de sorcier : c’était un vieux montagnard enfumé, portant une vénérable barbe grise, et ayant pour tout vêtement une robe de tartan, dont les pans descendaient jusqu’aux genoux, et qui, n’étant pas ouverte par devant, servait tout à la

  1. Un coup de bois ou des cornes du cerf était considéré comme bien plus dangereux que celui de la défense du sanglier.
    « Si tu es blessé par la corne du cerf, elle t’amène au cercueil ; mais la main du barbier guérira le mal du sanglier : ainsi n’aie aucune crainte. »
    Note de l’auteur. a. m.