Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/200

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus illustres et les plus puissants retiennent auprès d’eux, comme poètes et historiens de leurs tribus. Ces dernières poésies possèdent différents degrés de mérite, dont une partie s’évapore dans la traduction, ou est perdue pour ceux dont les sentiments ne sympathisent pas avec le génie du poète. « — « Et votre barde, dont les chants semblaient produire aujourd’hui tant d’effet sur les assistants, le compte-t-on au nombre des poètes favoris des montagnes ? » — « Il est assez difficile de répondre à cette question. Sa réputation est grande parmi ses compatriotes, et ne vous attendez pas que je cherche à la déprécier[1]. » — « Mais sa chanson, miss Mac-Ivor, a semblé animer tous les guerriers, jeunes et vieux. » — « Sa chanson n’est guère qu’un catalogue des noms des clans highlandais d’après leurs particularités distinctives, et une exhortation qu’il leur fait de se rappeler les actions de leurs ancêtres pour chercher à les imiter. « — « Ai-je donc tort de conjecturer, quelque extraordinaire que semble être mon observation, que dans les chants qu’il faisait entendre, quelque allusion me concernait ? » — « Capitaine Waverley, vous avez un discernement fort heureux qui ne vous a point trompé dans cette occasion. La langue gaëlique, étant extraordinairement vocale, s’adapte parfaitement à la poésie improvisée ; et un barde manque rarement d’augmenter les effets d’une chanson préparée, en y jetant quelques stances que peuvent lui suggérer les circonstances au moment où il commence son récit. » — « Je donnerais mon meilleur cheval, pour connaître ce que le barde highlandais a pu trouver à dire sur un indigne habitant du sud, tel que moi. » — « Pour le savoir, il ne vous en coûtera pas même un de ses crins. Una, mavourneen ! (Elle adressa quelques mots à une de ses jeunes suivantes, qui, ayant fait un profond salut, sortit de la chambre.) Je viens d’envoyer Una près du barde pour connaître les expressions dont il a fait usage, et alors je vous servirai de drogman. »

Una revint au bout de quelques minutes, et répéta à sa maîtresse des vers en langue gaëlique. Flora sembla réfléchir un peu, et se tournant ensuite vers Waverley, elle lui dit en rougissant : « Il m’est impossible, capitaine, de satisfaire votre curiosité, sans m’exposer à être taxée de présomption. Si vous voulez m’accorder quelques moments de réflexion, je tâcherai d’adapter le sens

  1. Le poète highlandais, observe l’auteur, est presque toujours improvisateur. Le capitaine Burt en rencontra un à la table du laird Lovat. a. m.