Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/196

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elle n’avait cependant point appris à substituer le vernis de la politesse à la réalité des sentiments. Lorsqu’elle se vit confinée dans les régions solitaires de Glennaquoich, elle pensa que la connaissance qu’elle avait acquise des littératures française, anglaise et italienne, lui serait de peu d’usage ; et pour remplir tous ses instants, elle résolut de s’identifier avec la musique et les traditions poétiques des Highlands ; elle trouva bientôt un plaisir réel dans ces études que son frère, dont le goût littéraire était doué de moins de finesse, affectait de trouver agréables dans l’unique but d’accroître sa popularité. Flora était encore affermie dans sa résolution de continuer ses recherches, par l’extrême plaisir que ses questions semblaient causer à ceux auxquels elle demandait des renseignements.

L’amour qu’elle portait à son clan, attachement qui était presque héréditaire dans son cœur, était, comme sa loyauté[1], une passion plus pure que celle de son frère. Celui-ci était trop profond politique, et considérait trop son influence patriarcale comme un moyen d’agrandir ses domaines, pour que nous le présentions ici comme un type du chef highlandais, Flora éprouvait ainsi que son frère le désir d’étendre leur puissance, mais uniquement dans le but généreux d’arracher à la pauvreté, ou au moins à la tyrannie étrangère, ceux que son frère était, d’après les notions du temps et du pays, appelé par sa naissance à gouverner. Les épargnes de son revenu (car elle avait une petite pension de la princesse de Sobieski) étaient consacrées, non point à procurer des douceurs à ses vassaux ; ce mot leur était inconnu, et ils ne semblaient pas chercher à le connaître, mais à soulager leurs besoins de première nécessité, lorsqu’ils étaient ou malades ou accablés de vieillesse. Dans toute autre circonstance, ils s’efforçaient plutôt de se procurer quelque objet qu’ils pussent partager avec le chef comme une preuve de leur attachement, qu’ils ne s’attendaient à recevoir de lui d’autres secours que ceux qui résultaient de la grossière hospitalité de son manoir et de la division et subdivision de ses domaines. Flora était tellement aimée d’eux, que, lorsque Mac Murrough eut composé une chanson dans laquelle il énumérait toutes les principales beautés du district, et donnait à entendre que Flora l’emportait sur toutes, en disant à la fin de sa chanson que « la plus belle pomme était sus-

  1. Le lecteur doit savoir qu’ici le mot loyauté est toujours employé dans le sens de royalisme. a. m.