Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/192

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thousiasme. Plus il chantait, plus son ardeur semblait s’accroître. En commençant, il tenait ses yeux dirigés vers la terre ; mais il les jeta bientôt autour de lui non plus pour implorer, mais pour commander l’attention. Les divers tons de sa voix et les gestes qui les accompagnaient étaient à la fois sauvages et passionnés. Édouard, qui l’écoutait avec le plus vif intérêt, crut remarquer qu’il citait beaucoup de noms propres, qu’il déplorait la mort des guerriers, qu’il apostrophait les absents, et qu’il exhortait, suppliait, excitait ceux qui étaient présents. Il crut même discerner son propre nom ; et ce qui le confirma dans cette opinion, c’est que les yeux des assistants se tournèrent alors simultanément vers lui. Le poète semblait communiquer son ardeur à tous ses auditeurs. Leurs figures sauvages et hâlées prirent une expression plus fière et plus animée, tous se penchèrent vers le barde, quelques-uns se levèrent et agitèrent leurs armes avec enthousiasme, quelques autres portèrent la main à leurs épées : quand les chants eurent cessé, il y eut un profond silence ; après quoi les sentiments du poète et des auditeurs reprirent graduellement leur cours habituel.

Le chieftain, qui pendant cette scène avait semblé plutôt étudier les émotions excitées qu’il n’avait pris part au ton élevé de l’enthousiasme, remplit de vin de Bordeaux une petite coupe d’argent placée près de lui. « Donnez ceci, dit-il à un serviteur, à Mac Murrough nan Foan[1], et quand il aura bu sa liqueur, dites-lui d’accepter la coupe pour l’amour de Vich-Jan-Vohr. » Le présent fut reçu par Mac Murrough avec une profonde gratitude ; il but le vin, et baisant la coupe il l’enveloppa respectueusement dans le manteau dont les plis couvraient sa poitrine. Élevant la voix, il improvisa des chants qu’Édouard supposa être des actions de grâces et des louanges adressées à Fergus. Ces chants furent applaudis, mais ils ne produisirent pas l’effet des premiers, il était facile de voir cependant que le clan approuvait entièrement la générosité de son chef. Quelques toasts gaëliques furent alors proposés et approuvés, et le chieftain en traduisit quelques-uns à son hôte, ainsi qu’il suit :

« À celui qui ne tourne le dos ni à un ami, ni à un ennemi ! À celui qui n’abandonna jamais un camarade ! À celui qui n’acheta ni ne vendit jamais la justice ! Hospitalité à l’exilé et mort aux tyrans ! Aux jeunes gens couverts de kilts ! Highlandais, épaule

  1. C’est-à-dire Mac Murrough des chants. a. m.