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rances. Mais ce sujet est trop important pour ne pas faire le commencement d’un autre chapitre.


CHAPITRE XIX.

LE CHEF ET SON MANOIR.


L’ingénieux licencié Francisco de Ubeda, commençant son histoire de la Picara Justina Giez, qui, soit dit en passant, est un des livres les plus rares de la littérature espagnole, se plaint de ce qu’un cheveu se trouve pris dans le bec de sa plume ; il commence tout d’abord, avec plus d’éloquence que de sens commun, à raisonner, affectueusement toutefois, avec cet instrument utile, lui reprochant de n’être plus qu’une plume d’oie-volatile inconstant par sa nature, puisqu’il fréquente indifféremment l’eau, la terre et l’air, et qu’il ne s’attache en conséquence jamais à aucun des trois. Quant à moi, je t’assure, lecteur bénévole, que, sous ce rapport, mon opinion diffère entièrement de celle de Francisco de Ubeda, et que la qualité la plus utile que je reconnaisse à ma plume, consiste dans la faculté qu’elle possède de passer promptement du plaisant au sévère, aussi bien que d’une description et d’un dialogue à un caractère et un récit. De telle sorte que si ma plume ne conserve des penchants de sa mère l’oie que l’inconstance qui caractérise cette dernière, je m’estimerai fort heureux en vérité, et je pense que vous, mon digne ami, vous n’en éprouverez aucun sujet de déplaisir. Ainsi donc, du jargon des gillies des Highlands[1], je passe au caractère de leur chef. Nous allons nous livrer à un important examen : aussi, semblables à Dogberry[2], devons-nous faire usage ici de tout notre discernement.

Un des ancêtres de Fergus Mac-Ivor avait, il y a environ trois cents ans, adressé une réclamation à l’effet d’être reconnu chef du clan nombreux et puissant auquel il appartenait, et dont il n’est pas nécessaire de mentionner le nom. Un antagoniste qui avait plus de droits à ce titre, ou au moins plus de forces à opposer, ayant été préféré à ce Fergus, il se dirigea vers le sud, accompagné de ceux qui lui restaient attachés ; il cherchait, comme un second Énée, à former un établissement nouveau ; l’état dans

  1. Gillies, mot qu’il est impossible de bien traduire, et dont la signification renferme les diverses personnes attachées à un chieftain highlandais. a. m.
  2. Personnage ridicule d’une pièce de Shakspeare, intitulée : Much ado abot nothing, beaucoup de bruit pour rien. a. m.