Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/178

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emporte ceux qui ont la mesure courte[1]. »

Ils entendirent en ce moment le bruit d’un coup de fusil, et ils aperçurent un chasseur avec des chiens et un domestique sur le haut du vallon. « Je crois que c’est le chef, » dit Dugald Mahony.

« Ce n’est point lui, répondit Evan d’un ton affirmatif. Pense-tu qu’il puisse venir ainsi au-devant d’un gentilhomme anglais ? »

Mais quand ils furent un peu plus près, il dit avec un air mortifié : « C’est lui, certainement, et il n’a point de suite ! il n’a avec lui d’autre créature humaine que Callum Beg. »

Dans le fait, Fergus Mac-Ivor, dont un Français aurait pu dire, avec plus de vérité qu’aucun habitant des montagnes : Il connaît bien ses gens, n’avait point eu l’idée de se faire valoir aux yeux d’un jeune et riche Anglais en se montrant à lui avec un vain cortège de montagnards. Il avait pensé que cet inutile appareil eût paru à Édouard plus ridicule qu’imposant. Il était plus jaloux que qui que ce fût des droits de chieftain et de la puissance féodale ; et c’était pour cela qu’il avait soin de ne pas mettre en évidence les marques extérieures de sa dignité, à moins que la circonstance ne l’exigeât pour produire un grand effet. S’il eût eu à recevoir un autre chieftain, il n’eût sans doute pas manqué de s’environner de tout ce cortège qu’Evan avait décrit avec tant de pompe ; il jugea que pour aller à la rencontre de Waverley il était plus convenable de ne se faire suivre que d’une seule personne. C’était un jeune et bel Highlandais qui portait la carnassière de son maître et sa claymore, sans laquelle il lui arrivait rarement de sortir.

Quand Fergus et Waverley se rencontrèrent, ce dernier fut frappé de la grâce et de la dignité du chieftain. Sa taille, au-dessus de la moyenne, était bien proportionnée ; son costume de Highlandais, fort simple, mettait en relief ses avantages physiques. Il portait le trews. Dans les autres parties, son habillement ressemblait à celui d’Evan, excepté qu’il n’était armé que d’un dirk richement monté en argent. Son page, comme nous l’avons dit, portait sa claymore, et le fusil que Fergus tenait à la main ne semblait être qu’un fusil de chasse. Il avait dans sa promenade tiré quelques jeunes canards sauvages, car, quoique la défense

  1. Les Écossais sont libéraux dans la supputation de leurs terres et de leurs boissons ; la pinte écossaise répond à une demi-pinte anglaise ; quant à leur monnaie, tout le monde, dit Walter Scott se rappelle les deux vers dont voici le sens : « Comment ces coquins peuvent-ils prétendre au sens commun ? leur livre ne vaut que 20 pence (c’est-à-dire environ 2 francs). » a. m.