Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/173

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qu’elle pensait mériter d’être emporté ; elle se couvrit de son plaid, s’approcha d’Édouard avec la plus grande ingénuité, lui serra la main, lui donna sa joue à baiser et lui fit une révérence. Evan, qui était regardé comme un agréable parmi les montagnards, s’avança comme pour obtenir la même faveur ; mais Alice saisit aussitôt son panier, s’élança sur le rocher aussi lestement qu’un chevreuil, se retourna, se mit à rire, et adressa à Evan, en langue gaëlique, quelques mots auxquels il répondit sur le même ton et dans la même langue ; puis Alice fit de la main ses adieux à Édouard, se mit en route, et disparut bientôt au milieu des broussailles, quoiqu’on entendît encore quelques moments après la vive chanson qu’elle avait chantée sur le bouleau.

Evan et Waverley entrèrent dans la gorge de la caverne, et descendirent dans la barque, que Mahony détacha et dont, pour tirer avantage, il déploya la voile grossière ; Evan prit le gouvernail, et dirigea la barque, comme Waverley s’en aperçut aussitôt, vers un lieu plus avancé que celui où il s’était embarqué la nuit précédente. Tandis que la barque glissait sur la surface transparente des eaux, Evan ouvrit l’entretien par l’éloge d’Alice, qui, suivant lui, était aussi adroite que gentille, et outre cela la meilleure danseuse de strathpeys ou rigodons à la cornemuse, de tout le pays. Édouard approuva tout ce qu’il put comprendre de ses louanges, et ne pouvait toutefois s’empêcher de la plaindre d’être condamnée à une vie si horrible et si dangereuse.

« Comment cela ? dit Evan ; il n’y a rien dans le Perthshire qu’elle ne puisse se procurer en le demandant à son père, à moins que ce ne soit trop chaud ou trop lourd. » — « Mais être la fille d’un voleur de bestiaux, d’un voleur ordinaire ! » — « D’un voleur ordinaire !… non, certes ; Donald Bean Lean n’a jamais enlevé de sa vie moins d’un troupeau. » — « C’est donc un voleur extraordinaire ? » — « Oh non Celui qui enlève la vache d’une pauvre veuve, le bœuf d’un paysan, est un voleur ; celui qui enlève un troupeau à un laird saxon est un gentilhomme-bouvier ; et d’ailleurs, un Highlandais n’a jamais pensé à rougir de prendre un arbre dans une forêt, un saumon dans une rivière, un daim sur un coteau ou une vache dans les basses terres. » — « Mais comment finirait-il, s’il venait à être pris pendant qu’il s’approprie le bien d’autrui ? » — « Alors, sans nul doute, il mourrait pour la loi, comme il est arrivé avant lui à plus d’un joli garçon. » — « Pour la loi ! » — « Oui, c’est-à-dire avec la loi ou par la loi ; il