Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/172

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portionnée, et sa démarche avait une grâce naturelle et simple sans rien avoir de la gaucherie ordinaire d’une villageoise. Ses sourires, qui faisaient voir deux rangs de dents d’une blancheur ravissante, et l’expression de son regard, lui servirent pour souhaiter à Waverley un bonjour qu’elle ne pouvait lui exprimer en anglais ; et ce langage muet eût pu être interprété par un fat, ou par un jeune officier qui, sans avoir ce défaut, avait la conscience de ses avantages extérieurs, comme quelque chose de plus que la simple courtoisie d’une hôtesse ; et je n’oserais pas affirmer que la jeune et sauvage montagnarde eût accueilli quelque vieux gentilhomme, le baron de Brawardine, par exemple, avec les soins, les attentions qu’elle eut pour Édouard. Elle semblait empressée de le voir s’asseoir devant ce déjeuner qu’elle avait pris la peine de préparer, et auquel elle venait d’ajouter quelques baies sauvages, cueillies dans un marais voisin. Lorsqu’elle vit Waverley à table, elle alla s’asseoir sur une pierre à quelque distance, d’où elle paraissait épier avec beaucoup d’attention l’occasion de le servir.

Evan et son domestique arrivèrent alors lentement le long du rivage ; le dernier portait une grosse truite saumonée, produit de la pêche du matin, avec la ligne qui lui avait servi à la prendre ; et Evan, qui le précédait d’un air aisé, satisfait et fier, s’avança vers le lieu où Waverley faisait honneur au déjeuner. Après les salutations d’usage de part et d’autre, Evan le regardant, dit à Alice, en langue gaëlique, quelque chose qui la fit rire, et rougir d’une manière visible, malgré la couleur de son teint bruni par l’air et le soleil, puis il lui demanda de préparer le poisson pour déjeuner. Il alluma un morceau d’amadou au bassinet de son pistolet, ramassa quelques branches, et en fit en peu de temps des charbons ardents, sur lesquels on mit griller la truite coupée en larges tranches. Pour couronner le repas, Evan tira d’une poche de sa jaquette une grande conque, et de dessous son plaid une corne de bélier pleine de whisky. Il en but d’abord assez copieusement, disant qu’il avait déjà pris le coup du matin avec Donald Bean Lean, avant son départ, et il offrit le cordial à Alice et à Édouard, qui le refusèrent tous deux. Alors, avec l’air de bonté d’un seigneur, il présenta la conque à Dugald Mahony, son domestique, qui, sans attendre qu’on le lui répétât, la vida avec délices. Evan se leva, et proposa à Waverley de se mettre dans la barque, tandis qu’Alice arrangeait dans un petit panier tout ce