Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/169

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Waverley, surpris et en quelque sorte effrayé d’une question de cette nature, lui répondit qu’il n’avait eu, en le visitant, d’autre motif que le désir de voir une habitation aussi curieuse. Donald Bean le regarda en face pendant quelques instants, et lui dit avec un air très-significatif : « Vous auriez pu vous ouvrir à moi : je suis aussi digne de votre confiance que peut l’être le baron de Bradwardine ou Vich-Jan-Vohr ; mais vous n’en êtes pas moins le bienvenu chez moi. »

Waverley se sentit saisi d’un frisson involontaire en entendant le langage mystérieux que lui tenait ce bandit hors la loi, et il n’eut pas la force de lui en demander le sens. Un lit de bruyère jonché de fleurs avait été préparé pour lui dans un coin de la caverne ; il s’y coucha, se couvrit du mieux qu’il put de quelques plaids déchirés, et observa quelques instants ce qui se passait dans cet antre. Il vit à plusieurs reprises deux ou trois hommes entrer ou sortir sans autre cérémonie que de dire quelques mots au chef en langue gaëlique, ou à un grand Highlandais qui paraissait son lieutenant et qui veillait pendant son sommeil. Il en entra deux qui semblaient revenir d’une excursion dont ils rendirent compte, et qui, sans façon, allèrent au garde-manger et coupèrent avec leurs dirks des morceaux de viande qui y étaient à leur discrétion, et qu’ils se mirent à faire griller et à manger ensuite.

La boisson était dispensée d’une manière plus régulière ; elle était distribuée par Donald lui-même, ou par son lieutenant, ou par la grande fille highlandaise dont nous avons déjà parlé, la seule femme qui se fût encore montrée dans la caverne. Toutefois, la distribution de whisky eût paru considérable à d’autres qu’à des montagnards qui, habitués à vivre en plein air et dans un climat très-humide, étaient capables de consommer une grande quantité de liqueurs spiritueuses sans éprouver aucun des funestes effets qu’elles produisent ordinairement sur l’organisation morale ou physique.

À la fin, ces groupes mouvants se dérobèrent aux regards de notre héros, à qui le sommeil ferma les yeux : il ne les rouvrit le lendemain que lorsque le soleil était déjà élevé sur le lac, bien que les rayons n’éclairassent que faiblement l’intérieur de l’uaimh an Ri, la caverne du Roi, nom que Donald Bean Lean avait orgueilleusement donné à sa demeure.