Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/156

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avec un warrant du lord Justice-Clerk, ou de tout autre grand personnage, nous enlever toutes nos armes ; quand les montagnards viendront nous attaquer en force, comment pourrons-nous nous défendre ? »

Waverley ne put s’empêcher de tressaillir en entendant un récit qui avait tant de rapports avec des événements qui avaient été l’objet de ses rêveries. Il avait devant lui une jeune fille d’un caractère doux, d’une jolie figure, qui avait à peine dix-sept ans, et qui avait été témoin de scènes qui s’offraient à son imagination, et qu’il croyait ne pouvoir rencontrer qu’en remontant à des temps éloignés. Il éprouva à la fois un mouvement de curiosité et cette crainte légère du danger qui augmente l’intérêt de la situation. Il eût pu dire avec Malvolio[1] : « Je ne suis donc pas si fou de m’être laissé entraîner par mon imagination ; me voilà sur le terrain des aventures belliqueuses et romanesques, il ne me reste plus qu’à savoir la part que j’y prendrai. »

Tout ce qui se passait dans le pays semblait d’ailleurs à Waverley non moins extraordinaire que nouveau. Il avait, il est vrai, souvent entendu parler des voleurs montagnards ; mais il n’avait aucune idée de leur système réglé de déprédation, et que cela se faisait avec la permission et même à l’instigation des chefs de clan, qui trouvaient dans ces creaghs ou pillages un moyen d’habituer leurs vassaux au maniement des armes, et de se faire craindre de leurs voisins des basses terres pour lever sur eux, comme nous l’avons vu, un impôt sous l’apparence d’un tribut de protection.

Le bailli Mac Wheeble, qui entra bientôt après, s’étendit davantage sur ce sujet. La conversation de ce digne homme se ressentait tellement de son état, que Davie Gellatley dit un jour que ses discours avaient l’air d’un ordre de payer. Il assura à notre héros que, de temps immémorial, les voleurs, maraudeurs, brigands des montagnes, avaient, en raison de leurs surnoms, fait entre eux une association pour commettre larcins, vols et pillages chez les honnêtes habitants des basses terres, où ils enlevaient toute espèce de choses, blé, vaches, chevaux, moutons, oiseaux de basse-cour, mobilier ; que de plus, quelquefois ils faisaient des prisonniers, rançonnant et exigeant des cautions, toutes violences prévues par divers articles du livre des Statuts, par l’acte de 1567 et autres ; lesquels articles, et tout ce qui s’ensuit, avaient

  1. Personnage d’une pièce de Shakspeare. a. m.