Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/134

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coup d’adresse pour faire une remontrance, donner une explication, ou se moquer de quelqu’un ; que Davie était très-attaché au peu de personnes qui lui témoignaient de la bienveillance, mais qu’il gardait aussi rancune d’une injure ou d’un mauvais procédé, et qu’il saisissait habilement l’occasion offerte d’en tirer vengeance ; que les gens du peuple, juges aussi rigoureux les uns des autres qu’ils le sont de ceux qui sont au-dessus d’eux, avaient montré beaucoup de compassion pour le pauvre innocent, tant qu’on le vit errer en haillons dans le village ; mais que depuis qu’il était vêtu proprement, qu’il ne manquait de rien, et qu’il avait même une espèce de charge de favori, ils avaient rappelé toutes les preuves de malice et de finesse qu’il avait données, tant en actions qu’en paroles, et en avaient charitablement tiré la conséquence que Davie Gellatley était tout juste assez fou pour s’exempter de tout travail ; que leur opinion n’était pas mieux fondée que celle des nègres, qui, d’après les tours adroits et malins des singes, supposent qu’ils ont le don de la parole, et qu’ils n’en font point usage dans la crainte qu’on ne les fasse travailler ; que Davie Gellatley était véritablement ce qu’il paraissait être, un innocent, un cerveau un peu dérangé, un être incapable d’une occupation constante et réglée ; qu’il avait assez de jugement pour n’être point accusé de folie ; assez d’esprit pour n’être point accusé d’idiotisme ; qu’il était doué de quelque adresse pour la chasse (où d’aussi grands fous avaient excellé), et qu’il avait, en un mot, beaucoup de soin des animaux qui lui étaient confiés, un bon cœur, une mémoire extraordinaire et l’oreille musicale.

On entendit alors le pas des chevaux dans la cour, et la voix de Davie qui chantait en s’adressant aux deux grands lévriers :


« Allons-nous-en sur la colline,
Où le taillis est toujours vert,
Où la fontaine cristalline
S’ombrage du plus frais couvert,
Où la fougère est abondante,
Où la rosée est scintillante.
Où le coq de bruyère encore
En boit le liquide trésor.
Où la Sylphide, plus contente,
Sur le gazon a récemment
Dansé non moins légèrement
Que zéphire à l’aile inconstante.
Allons au lieux que rarement
Le pas du voyageur fréquente ;
Lieux solitaires, doux et frais,
Séjour du calme et de la paix.