« Qui porte chapeau à plume,
Soulier à rouge talon ;
Qui joue de la flûte,
Aussi du violon,
Lon, lon, laridon[1]. »
Balmawhapple, qui ne pouvait y tenir plus long-temps, proposa
d’une voix forte une chanson diablement bonne, selon son expression,
composée par Gibby Gaethroughw’it, le joueur de cornemuse
de Cupar, et, sans perdre un instant, il leur jeta le couplet
suivant :
« De Glenbarchan j’ai suivi la colline ;
De Kilibraid j’ai franchi le désert ;
Plus d’une fois j’ai couru, j’ai souffert,
Pour chatouiller d’une balle assassine
La queue et la plume d’hermine
Du faisan à ma vue offert. »
Le baron, dont la voix se noyait dans les bruyants accents de
Balmawhapple, renonça à la lutte ; mais il fredonnait toujours
lon, lon, laridon, et regardait avec dédain l’heureux rival qui
lui enlevait l’attention de la compagnie, tandis que celui-ci continuait :
« Lorsque l’oiseau s’élève d’un buisson,
Je l’ajuste et le frappe à l’aine ;
Et quand je rentre à la maison,
Ma gibecière est toujours pleine. »
Après avoir vainement tenté de se rappeler le second couplet, il
recommença le premier ; et, dans la chaleur de son triomphe, il
déclara qu’il y avait plus de sens dans ce qu’il venait de chanter
que dans toutes les chansons de France et même du comté de
Fife. Le baron, pour toute réponse, prit longuement une prise de
tabac, et le regarda avec l’expression d’un mépris souverain ; mais
la noble alliance de l’ours et de la poule avait affranchi le jeune
laird du respect qu’il avait ordinairement pour Bradwardine. Il
déclara que le vin de Bordeaux était froid et sans saveur, et demanda
en vociférant le brandy[2]. On l’apporta aussitôt, et le démon
de la politique devint sans doute jaloux de cette harmonie
flamande, où il ne se mêlait pas une seule note de colère ; car,
animé par la liqueur, le laird de Balmawhapple, s’inquiétant peu
des regards et des gestes par lesquels le baron de Bradwardine,
par égard pour Édouard, cherchait à l’empêcher d’entrer dans