Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/124

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le coup de l’étrier, en l’honneur de la poutre du toit du baron[1]. Il faut remarquer que le bailli, sachant par expérience que la fête du jour, dont jusque-là son maître avait supporté les frais, pourrait se terminer en partie à son compte, était monté sur son poney gris à éparvins ; et, animé à la fois par la gaieté qui lui venait du vin et la crainte de se trouver forcé de payer son écot, il avait dépassé le village sur sa monture qui allait au demi-galop, le trot lui étant interdit par son infirmité. Les autres entrèrent dans la Change-house, suivis d’Édouard qui se soumettait, son hôte lui ayant dit tout bas que s’il n’acceptait pas, il se mettait en contravention à la règle des joyeux festins, leges conviviales[2]. La veuve Macleary semblait s’attendre à cette visite, suite ordinaire non-seulement des festins de Tully-Veolan, mais même de ceux de presque tous les manoirs d’Écosse, il y a soixante ans. Les convives témoignaient par là leur gratitude à leur hôte pour sa bonne réception, faisaient aller sa Change-house, honoraient le lieu où l’on abritait leurs chevaux, et se dédommageaient de la contrainte imposée par une hospitalité seigneuriale, en passant ce que Falstaff appelle les douceurs de la nuit, dans la joyeuse licence d’une taverne. La mère Macleary qui, comme nous l’avons dit, attendait ces hôtes de distinction, avait balayé sa maison

  1. Je puis rappeler, dit Walter Scott, dont nous traduisons la note, que l’usage du coup de létrier avait encore lieu dans la jeunesse de l’auteur. Les convives, après avoir pris congé de leur hôte, finissaient souvent la soirée au clachan du village au fond d’une taverne. L’hôte les accompagnait toujours pour prendre le coup de l’étrier, qui se prolongeait souvent fort avant dans la nuit.
    Quand le maître d’une auberge offrait à ses hôtes deoch an doruis, c’est-à-dire la boisson de la porte ou le coup de l’étrier, le bu n’était pas porté en compte ; c’est d’après cette coutume qu’un savant bailli de la ville de Forfar prononça un jugement très-profond.
    A…, femme qui tenait auberge à Forfar, avait brassé un picotin de drèche et avait mis le liquide à refroidir en dehors ; la vache de B…. voisin de A…, vint à passer, et trouvant la boisson de bonne apparence, la goûta et l’avala en entier. Quand A… vint pour prendre sa liqueur, elle trouva le vase vide, et à la marche et au regard de la vache, elle devina aisément ce qui s’était passé. Elle commença par tomber à coups de bâton sur la vache, dont les beuglements attirèrent son maître ; il fit des reproches à sa violente voisine, et celle-ci lui répondit en lui demandant la valeur de l’ale que sa bête avait bue. B… refusa de payer, et il fut appelé à comparaître devant le bailli ; ce magistrat écoula patiemment la plainte, et demanda à la plaignante si la vache avait bu couchée un debout. La plaignante répondit qu’elle n’avait pas vu commettre le délit, mais qu’elle pensait que la vache avait avalé l’ale debout sur ses pieds, ajoutant que si elle avait été auprès, elle lui eût fait faire un autre usage de ses jambes. Le bailli alors prononça solennellement que ce que la vache avait bu devait être considéré comme deoch an doruis, le coup de l’étrier, pour lequel on ne pouvait rien réclamer sans violer l’ancienne hospitalité écossaise. a. m.
  2. Lois du repas. a. m.