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Waverley remit ses lettres de créance à M. Gellatley qui sembla confirmer la dernière observation du sommelier, en lui montrant, pendant qu’il regardait d’un autre côté, une grimace qui le faisait ressembler à la grotesque figure qui termine certaines pipes d’Allemagne ; après quoi, prenant un congé singulier de Waverley, il se mit en route en dansant pour remplir son message.

« C’est un innocent, monsieur, dit le sommelier ; il y en a dans toutes les villes du pays, mais le nôtre est le mieux traité : il passait son temps à travailler assez bien ; mais il sauva miss Rose poursuivie par le nouveau taureau anglais du laird de Killancureit, et depuis ce temps-là nous l’appelons Davie Fait-peu. Et en vérité, nous aurions pu l’appeler David Fait-rien, car depuis qu’il a revêtu ce joyeux costume pour l’amusement de son honneur et de ma jeune maîtresse (les grands ont leurs caprices), il ne fait que danser, que se rouler d’un bout à l’autre de la ville, sans autre soin que d’accommoder la ligne du laird, d’y mettre les mouches, ou de pêcher lui-même un plat de truites, quand il n’a rien de mieux à faire. Mais voici miss Rose, qui, j’en suis sûr, sera particulièrement charmée de voir un membre de la maison de Waverley au manoir paternel de Tully-Veolan. »

Mais Rose Bradwardine mérite que son indigne historien ne l’introduise pas à la fin d’un chapitre.

Avant d’en commencer un autre, nous ferons remarquer que Waverley dans ce colloque avait appris deux choses : qu’en Écosse une maison s’appelait une ville, et un fou un innocent[1].


CHAPITRE X.

ROSE BRADWARDINE ET SON PÈRE.


Miss Bradwardine n’avait que dix-sept ans ; cependant aux

  1. Je ne sais depuis combien de temps, dit Walter Scott, la coutume d’avoir des fous, dont l’origine remonte à une haute antiquité, est tombée en désuétude en Angleterre. Swift a fait l’épitaphe du fou du comte de Suffolk, qui se nommait Dickie Pearce. En Écosse cet usage subsistait encore dans le dernier siècle. On conserve encore au château de Glammis l’habillement de l’un de ses bouffons, riche et orné de nombreuses clochettes. Il n’y a pas plus de trente ans qu’un semblable personnage vivait auprès d’un gentilhomme de la première noblesse d’Écosse ; il se mêlait parfois à la conversation, et poussa un jour la plaisanterie jusqu’à demander en mariage une des jeunes personnes de la famille, et faire publier les bans dans l’église paroissiale. a. m.