Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/112

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près que sa physionomie confirmait ce que lui avaient déjà annoncé son air et ses mouvements. L’idiotisme ni l’aliénation mentale ne paraissaient pas avoir donné à une figure naturellement belle cette expression irrégulière, sauvage et égarée ; il semblait plutôt que ces deux causes étaient réunies, et qu’il y avait là mélange d’imbécilité et de folie. Ce personnage se mit à chanter avec beaucoup de chaleur, et avec quelque goût, un fragment d’une vieille chanson écossaise :


En cet été, parmi les fleurs nouvelles,
« Amant trompeur, tu t’es joué de moi.
Vienne l’hiver aux froides ailes,
Je saurai me venger de toi.
Si tu me fuis, amant qui brilles
De charmes, Comme toi, changeants,
Je vais sourire à d’autres jeunes gens,
Comme tu souriras à d’autres jeunes filles.


Levant ici les yeux qu’il avait tenus attachés sur ses pieds pour voir s’ils battaient bien la mesure, il aperçut Waverley, et ôta aussitôt son bonnet, en donnant un grand nombre de marques grotesques de surprise et de respect. Quoique Édouard n’eût guère d’espoir qu’il répondît à ses questions, il lui demanda si M. Bradwardine était chez lui, ou s’il pourrait s’adresser à quelque domestique, et cet être étrange répondit, en chantant, comme la sorcière de Talaba :


« Le chevalier sur la montagne
Du chasseur a l’accoutrement ;
La dame tresse à la campagne
Une guirlande à son amant.
Dans son boudoir la belle Hélène
De mousse a couvert le plancher,
Et lord William peut approcher
L’asile de sa souveraine ;
Sans bruit il y pourra cacher
Sa flamme pour la beauté vaine
Que son cœur est allé chercher. »


Comme cela n’apprenait rien à Édouard, il fit une nouvelle question à laquelle on lui répondit si rapidement et dans un dialecte si particulier, qu’il ne put comprendre que le mot sommelier. Waverley demanda naturellement à voir le sommelier. Et le malheureux, avec un regard, un air d’intelligence, fit signe à Édouard de le suivre, et se remit bientôt à danser et à cabrioler dans l’allée. « L’étrange guide que voilà ! se dit Édouard ; il ressemble bien aux grossiers paysans de Shakspeare. Je ne suis pas très-prudent de me fier à ce pilote ; mais de plus sages ont été conduits