Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/107

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seigle, de l’avoine, de l’orge et des pois dans des sillons de si peu d’étendue, qu’à quelque distance cette plaine variée et peu productive ressemblait au livre d’échantillons d’un tailleur. Dans un petit nombre d’endroits plus favorisés, on voyait derrière les chaumières un misérable wigwam, construit en terre, cailloux et tourbe, où les riches pouvaient peut-être mettre une vache maigre, ou un cheval bon à conduire à l’écorcheur. Mais presque toutes les cabanes étaient défendues en avant par un énorme monceau de tourbe noire d’un côté de la porte, de l’autre par un tas d’ordures qui rivalisait de hauteur.

À une portée de flèche du village, se montraient des enclos qu’on appelait pompeusement le parc de Tully-Veolan, et qui formaient plusieurs champs carrés, entourés et séparés par des murs de pierres de cinq pieds de hauteur. Au milieu de la clôture extérieure était la première porte de l’avenue, qui s’ouvrait sous un arceau crénelé par le sommet et orné de deux blocs massifs de pierre mutilés par le temps, qui, si l’on en croit la tradition du hameau, représentaient autrefois, ou au moins devaient représenter deux ours rampants, supports de l’écusson de la famille Bradwardine. Cette avenue était en ligne droite et d’une médiocre longueur ; elle était bordée d’un double rang de vieux marronniers et de sycomores plantés alternativement, dont les branches hautes et touffues s’entre-croisaient au point de faire de l’avenue un berceau épais. Derrière ces arbres vénérables s’élevaient parallèlement deux grands murs qui semblaient aussi antiques, et étaient couverts de lierre, de chèvre-feuille et autres plantes rampantes. Le chemin paraissait avoir été peu foulé et ne l’avoir guère été que par des gens de pied : aussi, comme il était très-large et constamment ombragé, il était garni d’herbes longues et touffues, au milieu desquelles un étroit sentier, qui conduisait de la porte haute à la porte basse, avait été pratiqué pour les piétons. Cette seconde porte, comme la première, s’ouvrait sous une arche ornée de sculptures grossières, crénelée aussi par le haut, au-dessus de laquelle on apercevait, à demi-caché par les arbres de l’avenue, le château avec ses toits élevés et pointus, ses pignons étroits, ses pierres dentelées, et ses tourelles aux angles. Un des battants de la porte basse était ouvert ; et comme le soleil donnait dans la cour, sa clarté se répandait par cette ouverture dans la sombre avenue. C’était un de ces effets qu’un peintre aime à représenter ; et cette lumière éclatante se mariait merveilleusement