Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/103

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d’autres cas, ne lui faisait pas retenir les phrases techniques et les minutieux détails de la discipline militaire. Waverley était naturellement modeste, et se gardait bien de penser que ces règles fussent au-dessous de lui, ou qu’il était né général, parce qu’il n’était qu’un subalterne sans talent ; la vérité est, qu’ayant continué l’habitude qu’il avait prise d’étudier sans ordre et sans méthode, cette habitude, influant sur un caractère rêveur et abstrait, lui avait donné cette disposition mobile d’esprit, qui est tout à fait en opposition avec l’étude et une attention soutenue. Au milieu de tout cela, il passait son temps avec ennui ; la noblesse des environs n’aimait guère les officiers et les recevait peu, et la bourgeoisie de la ville, dont le commerce était la principale occupation, n’engageait guère, par son genre de vie, Waverley à se lier avec elle.

L’arrivée de l’été et le désir de connaître de l’Écosse autre chose que ce qu’il pouvait voir de sa garnison, le déterminèrent à demander un congé de quelques semaines. Il résolut de visiter d’abord l’ancien ami et correspondant de son oncle, se proposant de prolonger ou d’abréger, suivant les circonstances, son séjour dans le manoir de Bradwardine. Il se mit en route, à cheval, suivi d’un seul domestique, et passa la première nuit de son voyage dans une misérable auberge, dont la maîtresse n’avait ni souliers ni bas, et dont le maître, qui se donnait le titre de gentleman, ne vit pas avec plaisir que son hôte ne l’eût pas invité à souper avec lui[1].

  1. La politesse d’une invitation à partager le repas du voyageur, ou du moins à boire avec lui quelque liqueur, était encore, dans la jeunesse de l’auteur, un devoir aux yeux de quelques vieux aubergistes d’Écosse. En retour de cet honnêteté, l’hôtelier racontait au voyageur toutes les nouvelles du pays, et étant probablement facétieux par-dessus le marché, il était très-commun de voir chez les Bonifaces* écossais toutes les affaires, toutes les occupations serviles de l’auberge dévolues à la pauvre ménagère. Il y avait autrefois à Édimbourg un gentilhomme d’une ancienne famille, qui, dans le but de s’assurer une existence, se mit à la tête d’un café, un des plus beaux établissements de ce genre dans toute l’Écosse. La maison était, comme de coutume, entièrement tenue par l’économe et laborieuse mistriss B., tandis que son mari, qui ne s’en occupait nullement, passait son temps à la chasse. Un jour, pendant que le feu prenait à l’établissement, on rencontra le mari traversant Highmet avec ses fusils et ses instruments de pêche, et il répondit tranquillement à quelqu’un qui s’informait de son épouse, que la pauvre femme essayait de sauver une partie de la vaisselle et des livres qui lui servaient à diriger les affaires de la maison. Dans la jeunesse de l’auteur il y avait encore des vieillards qui regardaient comme une partie indispensable des plaisirs d’un voyage de causer avec l’hôtelier, qui ressemblait souvent, par son humeur polie, à l’hôtelier de la Jarretière, dans les Joyeuses Femmes de Windsor** ou au Blague du George*** dans le Joyeux diable d’Edmonton. Quelquefois l’hôtesse prenait le soin de faire la conversation avec la société. En tout cas, on les désobligeait de ne pas avoir pour eux l’attention d’usage, et on pouvait s’attirer de fort mauvaises plaisanteries.
    Cette note est de l’auteur. a. m.
    * Nom communément donné aux aubergistes de la Grande-Bretagne.
    **Merry Wives of Windsor, pièce de Shakspeare. a. m.
    ***Blague of the George in the merry Devil of Edmonton. a. m.