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joues. Quoique son armure eût une forme massive, ses mouvements avaient tant d’aise et d’élasticité, qu’on eût pu croire qu’il portait un costume élégant et non un incommode fardeau. Un manteau orné de fourrures n’eût pas plus ajouté à ses grâces que le pesant haubert, qui ne semblait en rien gêner ses gracieux mouvements. Cependant il paraissait si jeune, que le duvet dont sa lèvre supérieure était couverte annonçait qu’il avait à peine atteint l’âge viril. Les femmes, qui se précipitaient dans la cour pour apercevoir le premier envoyé de leurs libérateurs, ne pouvaient s’empêcher de louer sa beauté, tout en rendant hommage à sa valeur. Une d’elles, encore jolie quoique sur l’âge, connue surtout par l’élégance de sa coiffe, et par le soin qu’elle mettait à adapter à une jambe bien prise un bas d’écarlate, s’approcha du jeune écuyer plus près que toutes les autres, et augmenta la rougeur qui couvrait ses joues, en s’écriant que Notre-Dame de Garde-Douloureuse leur avait envoyé la nouvelle de leur délivrance par un ange pris dans son sanctuaire. Ce discours, quoiqu’il parût peu convenable au père Aldrovand, fut reçu de la part des autres femmes avec de telles acclamations, qu’elles embarrassèrent beaucoup la modestie du jeune homme.

« Paix ! dit Wilkin Flammock ; comment, femmes, vous osez manquer de respect ! n’avez-vous donc jamais vu de jeune gentilhomme, pour voler autour de celui-ci comme des abeilles autour d’un rayon ? Retirez-vous, vous dis-je, afin que nous puissions connaître les ordres du noble lord de Lacy.

— Je ne puis les remettre, dit le jeune homme, qu’à la très-noble demoiselle Éveline Berenger, si je puis être jugé digne de l’honneur d’être admis en sa présence.

— Si vous êtes digne de cet honneur ! » dit la même dame qui, peu auparavant, avait exprimé son admiration d’une manière si énergique ; « sans doute, sans doute ; je soutiens même que vous méritez toutes les autres faveurs qu’une dame peut accorder.

— Vous tairez-vous donc ! » dit le moine au moment même où Wilkin, faisant traverser la cour au jeune chevalier, s’écriait : « Prenez garde à la cage, dame Gillian.

— Qu’on ait soin de mon noble coursier, » dit le gentilhomme, remettant la bride entre les mains d’un valet ; de cette manière, il se débarrassa d’une partie des femmes qui le suivaient, et dont quelques-unes se mirent à caresser et à vanter le coursier, autant qu’elles avaient vanté et caressé le maître ; quelques autres, dans