Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/95

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au bruit sourd que produisait la mer quand elle se fraya un passage dans la boutique de mon voisin Klinkerman, poussant l’un contre l’autre ses pots et ses casseroles. Mais ce serait une funeste erreur, bon père, de prendre des ennemis pour des amis. Nous ferons donc mieux de réveiller nos gens.

— À quoi penses-tu, de me parler de pots et de casseroles ? dit le prêtre. Je ne connaîtrais pas le bruit que fait un corps de cavalerie, et le son causé par le froissement des cottes de mailles, moi qui, pendant vingt ans, fus écuyer du comte Étienne Mauleverer ! Quoi qu’il en soit, rassemble tes hommes sur les remparts, que les plus braves descendent sous mes ordres dans la cour du château, et nous pourrons seconder par une sortie les efforts de nos alliés.

— Je ne serai pas assez téméraire pour recourir à ce moyen, murmura le Flamand ; mais si vous le voulez, courons sur les remparts, le moment est propice. Mais surtout, sire prêtre, que vos Normands et vos Anglais observent le silence, sans quoi leur joie bruyante et sans frein éveillerait le camp gallois, et les préparerait à recevoir d’importants visiteurs. »

Le moine mit un doigt sur sa bouche en signe d’intelligence, et ils se séparèrent pour aller éveiller les défenseurs du château. Bientôt on entendit de toutes parts les soldats se tendant à leurs postes, mais avec une disposition d’esprit tout autre que lorsqu’ils les avaient quittés. On mit tout en usage pour empêcher le bruit, et les assiégés se trouvèrent sur les remparts au milieu du plus profond silence ; immobiles et respirant à peine, ils attendaient l’arrivée des troupes qui s’avançaient avec rapidité pour les secourir.

On ne pouvait plus avoir aucun doute sur la nature des sons qui troublaient le silence de cette nuit ; ils n’étaient point causés par le murmure de la rivière ou par le roulement sourd d’un tonnerre lointain, mais bien par un froissement d’armures et par le bruit monotone d’un corps de cavalerie. La prolongation des sons, leur force, et la direction d’où ils semblaient partir, annonçaient aux assiégés que plusieurs corps considérables de cavalerie s’avançaient à leur secours. Mais bientôt ce bruit imposant cessa, comme si la terre qui portait ces escadrons armés les eût tout à coup dévorés, ou qu’elle eût cessé de répéter le bruit de leur marche. Les assiégés conclurent de ce silence que leurs alliés avaient fait une halte pour reposer leurs chevaux, examiner