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CHAPITRE IX.

l’arrivée des secours.


Ô nuit terrible ! dit-elle en pleurant ; ô nuit de triste présage ! quel que soit le présent, l’avenir est encore plus à redouter.
Sir Gilbert Elliot.


La fatigue qui avait accablé Flammock et le moine n’était point ressentie par les deux jeunes filles en proie à l’inquiétude. Elles restèrent les yeux attachés tantôt sur le paysage confondu dans l’obscurité, tantôt sur les astres répandant aux alentours une lumière incertaine ; il leur semblait, en examinant la voûte céleste, qu’elles pourraient y lire les événements que devait amener le jour suivant. La scène qui s’offrait à leurs regards était à la fois silencieuse et mélancolique. Les arbres et les champs, les coteaux et la plaine, n’étaient éclairés que par une lumière douteuse, tandis qu’à une distance considérable on pouvait distinguer, avec quelque difficulté cependant, un ou deux endroits où la rivière, presque cachée par ses bords et par des arbres, réfléchissait dans ses eaux l’image des étoiles et le pâle croissant de la lune. On entendait seulement le bruit sourd et mesuré des eaux, et de temps en temps le son harmonieux d’une harpe qui, entendue à plus d’un mille de distance, à l’heure paisible de la nuit, annonçait que quelque Gallois se livrait encore à son amusement favori. Ces chants sauvages, entendus de loin en loin, semblaient être la voix de quelque fantôme, et, rattaché à des pensées d’inimitié cruelle et inexorable, retentissaient aux oreilles d’Éveline comme des présages de guerre, de désastre, de captivité et de mort. Si quelques autres sons troublaient l’extrême tranquillité de la nuit, ils étaient causés par le pas inégal des sentinelles, ou par le cri des hiboux qui semblaient plaindre la chute prochaine des tourelles, alors éclairées par la lumière de la lune, et dans lesquelles ils avaient depuis long-temps fixé leur séjour.

Ce calme profond sembla peser comme un lourd fardeau sur le sein de la malheureuse Éveline ; la certitude des malheurs présents et la crainte de l’avenir l’affectèrent alors plus profondément que toutes les peines qu’elle avait ressenties pendant le tumulte, l’effusion de sang et la confusion du jour précédent. Elle se leva, s’assit de nouveau, erra çà et là sur la plate-forme, et enfin resta