Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/80

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te ronger les membres avant le jour dont tu parles avec tant d’assurance. »

Pour répondre à ce défi, Jorworth tira sa javeline, et l’agitant en l’air jusqu’à ce qu’elle acquît un certain mouvement de vibration, il la lança avec autant de dextérité que de force dans l’ouverture du guichet. Elle passa en sifflant au milieu du but ; et vola (sans les blesser toutefois) entre la tête du moine et celle du Flamand. Le premier tressaillit en se rejetant en arrière, tandis que l’autre, regardant la javeline qui, tremblante encore, s’était enfoncée dans la porte de la chambre des gardes, prononça seulement ces paroles : « Bien visé et fort heureusement manqué. »

Jorworth eut à peine lancé son dard qu’il se hâta de se rendre vers l’embuscade qu’il avait préparée, et descendant la colline, il donna à ceux de sa troupe le signal et l’exemple d’une retraite rapide. Le père Aldrovand eût désiré qu’une nuée de flèches leur fût lancée ; mais le Flamand fit remarquer que les munitions étaient trop précieuses pour en user ainsi contre les fuyards. Peut-être il se rappela qu’ils n’avaient couru le danger d’une telle salutation que d’après ce qu’il leur avait promis.

Le bruit de la prompte retraite de Jorworth et de ses compagnons ayant peu à peu cessé, un silence de mort régna dans le château, et ce silence était bien en harmonie avec la fraîcheur et le calme que l’on remarque d’ordinaire à cette heure de la matinée.

« Cela ne durera pas long-temps, » dit Wilkin au moine d’un ton de voix triste qui trouva un écho dans le cœur du bon père. »

— « Non certes, répondit Aldrovand, cela ne peut être ; il faut nous attendre à une rude attaque, que je redouterais fort peu si leur nombre n’était considérable et notre garnison réduite à peu de soldats. L’étendue de nos murs est immense, et l’opiniâtreté de ces barbares est presque égale à leur furie ; mais nous ferons notre devoir. Je vais me rendre près de lady Éveline ; il faut qu’elle se montre sur les remparts. Sa beauté est plus remarquable qu’il ne convient à un homme de mon ordre de le dire, et elle possède un peu du courage de son auguste père. Les regards et les paroles d’une telle femme doubleront la force des soldats à l’heure du danger.

— Cela peut être, dit Flammock. Quant à moi, j’irai voir si le déjeuner solide que j’ai fait préparer peut être servi ; il donnera, certes, à mes Flamands plus de force que la vue de dix mille