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eu quelques pourparlers avec mon voisin, Jean Vanwelt, au sujet de ma fille Rose, je me suis engagé, moyennant quelques florin, qu’il m’a remis, à la lui donner pour femme.

— Mon cher fils, » dit le moine désappointé, « à quoi pensez-vous donc ? Cette affaire peut se différer. Comment songez-vous à marier ou à donner en mariage, quand nous sommes tous à la veille d’être massacrés.

— Mais veuillez m’écouter, bon père, dit le Flamand ; car ce point de conscience a plus de rapport avec le siège que vous ne croyez. Sachez donc que je voudrais aujourd’hui me dispenser de donner Rose à ce Jean Vanwelt, qui est vieux et podagre ; et je désire savoir de vous si je puis, en conscience, la lui refuser.

— Sans doute, dit Aldrovand ; Rose est une jolie fille, quoique un peu colère ; et je pense que vous pouvez, sans blesser la probité, retirer votre consentement, en rendant toutefois les florins que vous avez reçus.

— Voilà la difficulté, bon père, dit le Flamand ; en rendant cet argent, je me trouve réduit à la misère. Les Gallois ont détruit mes biens, et avec l’argent que m’a remis Vanwelt, je pourrais, grâce à Dieu, me lancer de nouveau dans le monde.

— Mais, mon fils, dit Aldrovand, il faut ou tenir ta parole, ou rendre les florins, car tu sais ce que dit la Sainte Écriture : Quis habitabit in tabernaculo, quis requiescet in monte sancto ? Qui montera au tabernacle, qui parviendra au sommet de la montagne sainte ? Et voici la réponse, Qui jurat proximo et non decipit. Allons, mon fils, ne viole point ta foi pour un vil et misérable lucre. Un estomac vide affamé, et une bonne conscience, sont préférables au parjure et à l’iniquité. Voyez ce qu’a fait feu notre noble lord (dont Dieu veuille avoir l’âme) : il a mieux aimé mourir en vrai chevalier, dans un combat inégal, que de vivre parjure, quoique sa téméraire promesse au prince gallois eût été faite le verre en main.

— Hélas ! dit alors Flammock, voilà précisément ce que je craignais. Il faut alors livrer la forteresse ou rendre au Gallois Jorworth les bestiaux dont j’avais approvisionné le château, pour nous mettre en état de le défendre.

— Comment ! comment ! que veux-tu dire ? » s’écria le moine étonné. « Je te parle de Rose Flammock et de Jean Van-Diable, son nom m’est échappé, et tu me réponds en parlant de vaches, de châteaux, que sais-je !