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doré l’horizon. Un instinct naturel le conduisit d’abord aux étables qui, si la forteresse eût été convenablement approvisionnée, devaient être remplies de bétail. Quel fut son étonnement de voir plus de vingt génisses et taureaux dans un endroit qui la veille était tout à fait vide. Déjà on avait donné la mort à un de ces animaux, et un ou deux Flamands, remplissant alors les fonctions de bouchers, étaient occupés à le dépecer pour que le cuisinier pût en tirer parti. Le bon père était sur le point de crier au miracle ; mais il sut se modérer, et les transports qui l’agitaient se bornèrent à une secrète exclamation intérieure en l’honneur de Notre-Dame de Garde-Douloureuse.

« Qui ose dire que nous manquons de vivres ? Qui, maintenant, ose parler de se rendre ? s’écria-t-il. Ces provisions nous suffisent pour nous soutenir jusqu’à l’arrivée de Hugo de Lacy, vînt-il à notre secours des rivages de l’île de Chypre. Je me proposais de jeûner ce matin, tant pour épargner les vivres que par un motif de religion, mais les bienfaits des saints ne doivent pas être dédaignés. Sire cuisinier, préparez-moi sur-le-champ un morceau de bœuf grillé, dites au panetier de m’envoyer un pain tendre, et au sommelier de me tirer un verre de vin. Je déjeunerai à la hâte en parcourant les murs de l’est. »

Ce fut à cet endroit, qui était le point le plus faible de Garde-Douloureuse, que le bon père trouva Flammock, prenant toutes les mesures nécessaires pour mettre ce côté en état de défense. Il le salua d’un air affable, et le félicita sur l’immense quantité de provisions dont le château avait été pourvu pendant la nuit, lui demandant comment il avait pu être assez heureux pour introduire dans la place, malgré les assiégeants, un si grand nombre de bestiaux. Wilkin saisit la première occasion pour l’interrompre.

« Nous parlerons de cela une autre fois, mon père ; avant tout, je désire en ce moment vous consulter sur un point qui trouble ma conscience, et qui concerne mes affaires temporelles.

— Parlez, mon cher fils, » dit le père, pensant qu’il parviendrait ainsi à connaître les véritables intentions de Wilkin. « Oui, une conscience expansive est un trésor, et celui qui ne l’écoute pas lorsqu’elle dit : « Communique tes doutes à un prêtre, » verra un jour ses cris de douleurs étouffés par le soufre et le feu. Ta conscience fut toujours expansive, mon cher fils, quoique tu aies un abord dur et grossier.

— Eh bien, dit Wilkin, sachez donc, bon père, qu’après avoir