Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/68

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l’oratoire ; dans l’excès de sa douleur, elle se prosterna devant l’autel, supplia la Vierge divine et pure de protéger sa liberté et son honneur, et demanda vengeance du chef cruel et perfide qui avait arraché la vie à son père, et qui osait assiéger le seul asile qui lui restât. Non-seulement elle fit vœu de donner une immense étendue de terre à l’image de la divine protectrice dont elle implorait l’aide, mais elle fit le serment (quoique ses lèvres hésitassent et que quelque chose dans elle se révoltât contre ce vœu), que, quel que fut l’heureux chevalier qui s’employât pour la délivrance de Notre-Dame de Garde-Douloureuse, il obtiendrait en récompense, de la fille de Raymond, tout ce que celle-ci pourrait honorablement lui accorder, même le don de sa virginité au pied sacré des autels. Les assurances de plus d’un chevalier lui avaient appris à croire que telle faveur était le présent le plus insigne que le ciel pût accorder ; elle crut acquitter une dette de la reconnaissance en se plaçant entièrement à la disposition de la sainte dont elle avait imploré l’aide. Peut-être y avait-il dans ce dévouement quelque espérance terrestre dont elle-même ne pouvait se rendre compte, et qui la rassurait un peu sur le sacrifice immense qu’elle s’imposait si librement. En effet, un espoir flatteur s’insinuait dans le cœur de la jeune vierge ; elle pensait que la plus douce et la plus bienveillante des protectrices userait avec commisération du pouvoir qu’on lui conférait, et que le champion favori de la mère du Seigneur se trouverait être celui auquel la fille de Raymond eût le plus volontiers accordé cette faveur.

Mais si une telle espérance se glissait dans le cœur de notre héroïne (car l’intérêt personnel s’allie à nos actions les plus nobles et les plus pures), certainement elle l’ignorait. Sincère dans les serments que lui dictait sa foi, elle jetait sur l’image sacrée de son culte des regards dans lesquels les supplications les plus ferventes, la confiance la plus humble se mêlaient à des larmes involontaires : aussi sa beauté paraissait-elle peut-être plus touchante que le jour où, malgré son jeune âge, elle avait été choisie pour offrir le prix au chevalier victorieux dans le célèbre tournoi de Chester. On ne s’étonnera point alors si, dans un tel moment d’exaltation où, prosternée devant un être qui avait, selon sa croyance, le pouvoir de la protéger et de lui promettre sa protection par un signe visible, lady Éveline crut voir de ses propres yeux que l’image agréait ses vœux. Comme elle con-