Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

harpe avec un air d’inspiration, quand il entendit les accents tout à la fois sauvages et exaltés qu’il sut rendre avec un talent alors sans égal, loin de parler il prêta l’oreille ; et ce ne fut plus le prince, mais Cadwallon qui fixa l’attention de l’assemblée ; tous les regards s’attachèrent sur lui, toutes les oreilles écoutèrent avec empressement ; on respirait à peine. Il semblait que les cordes de sa lyre étaient la réponse d’un oracle.

« Point d’alliance avec les étrangers ! » telles furent les premières paroles qui sortirent de la bouche du poète. « Vortigern épousa une femme étrangère, et de cette union datent les malheurs de la Grande-Bretagne : l’épée menaça les nobles, la foudre les palais. Point d’alliance avec le saxon esclave ! Le cerf libre et fier ne prend point pour compagne la génisse dont la tête a porté le joug. Point d’alliance avec le rapace Normand ! Le noble lévrier ne cherche pas sa compagne dans une troupe de louves dévorantes. Quand les Cymry, les descendants de Brutus, les vrais enfants du sol de la noble Bretagne, furent-ils pillés, opprimés, privés de leurs droits de naissance, et insultés jusque dans leur dernière retraite ? Lorsqu’ils eurent tendu une main amie à l’étranger et pressé sur leur sein la fille du Saxon. Lequel des deux craint-on le plus, le ruisseau desséché par les chaleurs de l’été, ou le fleuve grossi par les pluies de l’hiver ? Une vierge sourit en traversant le ruisseau desséché ; mais un cheval barbe et son cavalier craignent de franchir le fleuve débordé. Hommes de Mathraval et de Powys, que le fleuve grossi par les pluies de l’hiver soit Gwenwyn, fils de Cyverliock ! et que ton panache, ô prince, soit la première de ses vagues ! »

Toutes les pensées de paix, pensées qui en elles-mêmes semblaient tout à fait étrangères au cœur des belliqueux Bretons, disparurent devant les chants de Cadwallon, comme la poussière devant le souffle de l’aquilon, et l’assemblée demanda la guerre par des acclamations unanimes. Le prince lui-même ne parla point, mais, regardant autour de lui avec fierté, fit un signe du bras, comme s’il commandait l’attaque à ses soldats.

Le prêtre, s’il l’eût osé, eût rappelé à Gwenwyn que la croix qu’il portait à l’épaule avait consacré son bras à la guerre sainte, et qu’il ne pouvait ainsi s’engager dans des troubles civils. Mais la tâche était trop dangereuse pour le courage du père Einion, et il quitta la salle du festin pour se rendre à son couvent. Caradoc, dont la popularité n’avait été qu’éphémère, se retira humilié, et