Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/246

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pouvait être bien plus avantageux pour eux que de le laisser mourir. Un cavalier arriva ; Éveline implora son secours, et la première parole qu’elle entendit fut une exclamation en flamand du fidèle et flegmatique Wilkin Flammock, à qui le spectacle le plus extraordinaire pouvait seul en arracher une.

Sa présence était alors particulièrement utile ; car lady Éveline lui ayant appris dans quelle situation elle était placée, et l’ayant supplié en même temps de s’occuper de celle de Damien de Lacy, il commença, avec un calme admirable et quelque adresse, à arrêter le sang des blessures du jeune homme, tandis que ses serviteurs ramassaient des leviers abandonnés par les Gallois dans leur fuite, et furent bientôt prêts à délivrer Éveline. Avec beaucoup de précaution et sous les ordres expérimentés de Flammock, la pierre se trouva enfin assez déplacée pour rendre Éveline visible, à la grande joie de tout le monde, et surtout de la fidèle Rose, qui, sans penser au danger qu’elle pouvait courir, allait et venait autour de sa maîtresse, comme un oiseau à qui on a volé ses petits voltige autour de la cage où on les a enfermés. Il fallait de la précaution pour enlever la pierre, dans la crainte que retombant en dedans elle ne blessât Éveline.

Enfin le fragment de rocher céda assez aux efforts de ses gens pour qu’elle pût sortir ; mais ceux-ci, irrités de la violence qu’elle avait soufferte, ne cessèrent de soulever la pierre avec les barres et les leviers, jusqu’à ce qu’ayant tout à fait détruit l’équilibre, elle quittât la petite esplanade où on l’avait placée devant l’ouverture souterraine, et acquérant plus de force à mesure qu’elle roulait le long de la montagne, elle descendit rapidement, avec un bruit semblable à celui du tonnerre, au milieu des étincelles qu’elle faisait sortir des rochers, et des nuages de poussière, jusqu’à ce qu’elle tombât dans un ruisseau où elle se brisa en cinq fragments, avec un bruit qu’on aurait entendu à trois milles de distance.

Les vêtements d’Éveline étaient déchirés et en désordre, elle avait les cheveux épars ; mais, malgré la fatigue qu’elle ressentait des efforts qu’elle avait faits pour se sauver, elle ne s’arrêta pas un seul instant à réfléchir sur sa situation : avec tout l’empressement d’une sœur qui vole au secours d’un frère unique, elle se mit à examiner les diverses blessures de Damien de Lacy, et à essayer d’étancher le sang et de le rappeler à la vie. Nous avons dit ailleurs que, comme les dames de ce temps, Éveline n’ignorait pas entiè-