Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/245

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plus fort et plus aigu partit ensuite ; mais il cessa si subitement qu’il semblait que le souffle avait manqué à celui qui sonnait de l’instrument. Une étrange pensée s’offrit à l’esprit d’Éveline, même en ce moment d’incertitude et de terreur. « C’est bien là, dit-elle, le signal d’un de Lacy : certes, vous ne pouvez être mon aimable parent Damien !

« Je suis ce misérable, qui mérite la mort pour le peu de soin que j’ai eu du trésor commis à ma garde. Devais-je écouter les rapports et les messagers ? J’aurais dû surveiller la divinité qui était confiée à mes soins, avec toute la vigilance que l’avare a pour le vil métal qu’il appelle son trésor ; je n’aurais dû me reposer qu’à votre porte ; j’aurais dû veiller plus long-temps que les plus brillantes étoiles de l’horizon ; inaperçu, inconnu, je n’aurais jamais dû quitter le voisinage : alors vous n’eussiez pas couru un tel danger, et, ce qui est moins important, toi, Damien de Lacy, tu ne serais pas mort comme un valet parjure et négligent !

— Hélas ! noble Damien, dit Éveline, ne me brisez pas le cœur en vous accusant d’une imprudence dont seule je dois être blâmée. Votre bras a toujours été prêt quand j’en ai eu besoin, et la pensée que ma témérité a causé votre désastre ajoute encore à mon malheur. Répondez-moi, aimable parent, et donnez-moi l’espoir que vos blessures pourront guérir. Hélas ! j’ai déjà vu couler votre sang. Et quelle est mon infortune, si toujours je dois causer le malheur de ceux pour qui je sacrifierais volontiers mon bonheur ! Mais n’augmentons pas par des regrets inutiles l’amertume des moments que la bonté céleste nous accorde. Faites votre possible pour étancher votre sang, qui est si cher à l’Angleterre, à Éveline et à votre oncle. »

Damien poussa un gémissement quand elle eut cessé de parler, et garda le silence, tandis qu’exaspérée par l’idée qu’il pouvait périr faute de soins, Éveline réitéra ses efforts pour se délivrer et voler au secours de son parent. Ce fut en vain ; désespérée, elle renonçait à cette tentative, et passant d’un sujet de terreur à un autre, elle écoutait attentivement si elle n’entendait pas le dernier soupir de Damien, quand… ô bonheur ! la terre résonna sous les pieds des chevaux qui s’avançaient rapidement. Néanmoins ce bruit si heureux lui assurait la vie mais non la liberté. Ce pouvait être les bandits des montagnes qui revenaient chercher leur captive. Mais ils lui permettraient sûrement d’examiner et de panser les plaies de Damien de Lacy ; car le retenir captif