Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/233

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— Milady aimait beaucoup la chasse autrefois, dit Raoul ; mais je ne sais pas pourquoi elle est triste, renfermée depuis la mort de son père, et vit dans son beau château comme une nonne dans un cloître, ne s’amusant jamais : néanmoins, Gillian, tu sais la prendre ; ainsi maintenant, fais une fois une bonne action, et engage-la à sortir pour voir cette chasse. La pauvre enfant n’a pas eu le moindre agrément de tout cet été.

— Volontiers, dit Gillian ; et de plus, je vais lui montrer une nouvelle coiffure pour monter à cheval, que nulle femme ne pourrait voir sans désirer la faire un peu voltiger au vent. »

Tandis que Gillian parlait, son mari jaloux crut surprendre entre elle et le marchand un regard plus intelligent que ne devait le permettre une légère connaissance, malgré le caractère familier de la dame Gillian. Il lui sembla aussi, en regardant le marchand de plus près, que ses traits ne lui étaient pas tout à fait inconnus, et il lui dit sèchement : « Nous nous sommes déjà vus, l’ami ; mais je ne puis me rappeler où.

— C’est possible, dit le marchand ; je suis venu souvent dans cette contrée, et j’ai peut-être reçu de l’argent de vous. Si j’étais dans un lieu convenable, j’offrirais de boire une bouteille de vin en l’honneur de notre connaissance.

— Pas si vite, l’ami, dit le vieux chasseur ; avant de boire à la santé de qui que ce soit, il faut que je sois content de ce que je connais déjà de lui. Nous verrons voler tes faucons, et si leur talent égale ton bavardage, nous pourrons bien vider la coupe ensemble. Voici les palefreniers et les écuyers ; ma foi ! milady a consenti à sortir. »

L’occasion de voir ce passe-temps champêtre s’était offerte à Éveline au moment où la journée était délicieuse ; l’air frais et les travaux joyeux de la moisson, qui avait lieu de tous côtés, faisaient de l’exercice une tentation irrésistible. Comme on se proposait de ne pas aller au delà du côté de la rivière voisine, près du pont fatal sur lequel était toujours une petite garde d’infanterie, Éveline se dispensa d’emmener une escorte nombreuse, et, contre son ordinaire, ne fut accompagnée que par Rose et Gillian, et un ou deux serviteurs, qui conduisaient les chiens et portaient l’attirail de la chasse. Raoul, le marchand et un écuyer la suivaient, chacun ayant un faucon sur le poing, et fixant leur attention sur la manière dont ils le lanceraient, afin de pouvoir mieux juger de sa force et de son éducation.