Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/219

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scrupuleuse n’était pas la première de ses bonnes qualités, s’empressa de donner, avec beaucoup de précision, les détails de sa demande, pour laquelle il avait fait vainement des démarches, mais dont cette entrevue pouvait assurer le succès.

Le connétable, pressé d’exécuter la résolution qu’il avait prise, se hâta de se rendre au logis de Damien de Lacy, et, au grand étonnement de son neveu, lui annonça son changement de destination, donnant pour raison son départ précipité, la maladie de Damien et la protection qui devait nécessairement être accordée à lady Éveline ; qu’il fallait donc que Damien restât à sa place pour le représenter pendant son absence, pour protéger les droits de la famille et soutenir l’honneur héréditaire de la maison de Lacy, surtout pour être le gardien de la belle et jeune épouse que son oncle était forcé d’abandonner.

Damien était encore au lit quand son oncle lui communiqua ce changement d’intention. Peut-être trouva-t-il cette circonstance heureuse, attendu que dans cette position il pouvait cacher les diverses émotions qu’il éprouvait, tandis que le connétable, avec tout l’empressement de quelqu’un qui se hâte de finir ce qu’il a à dire sur un sujet désagréable, détailla rapidement les arrangements qu’il avait pris pour que son neveu pût s’acquitter convenablement de la charge importante qui lui allait être confiée.

Le jeune homme l’écoutait comme la voix d’un songe qu’il n’avait pas la force d’interrompre, quoique intérieurement il pensait qu’il y aurait de la prudence et de l’intégrité à s’opposer au nouveau projet de son oncle. Il tenta donc de prononcer quelques paroles quand enfin le connétable s’arrêta ; mais cela fut dit trop faiblement pour ébranler une résolution pleinement adoptée, quoiqu’à la hâte, et annoncée explicitement par quelqu’un qui n’avait pas l’habitude de parler sans avoir fixé sa volonté, ni de la changer quand il l’avait déclarée.

La remontrance de Damien, si on peut l’appeler ainsi, était faite en termes trop contradictoires pour être intelligible. Un moment il regrettait les lauriers qu’il avait espéré recueillir en Palestine, et conjurait son oncle de ne pas changer son projet, mais de lui permettre d’y suivre sa bannière ; ensuite il annonçait qu’il était prêt à verser la dernière goutte de son sang pour la défense de lady Éveline. De Lacy ne vit rien d’étrange dans ces sentiments, quoiqu’ils fussent pour le moment contradictoires. Il était naturel, pensait-il, qu’un jeune chevalier désirât d’acqué-