Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/206

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— Jamais ! noble de Lacy, » dit Éveline avec plus de vivacité qu’elle n’en avait encore montrée ; et il paraît que le ton fut enfin encourageant, puisque son amant fut assez hardi pour en prendre un garant sur ses lèvres.

Ce fut avec un air d’orgueil mêlé de respect qu’après avoir reçu ces gages de fidélité il se retourna pour apaiser l’abbesse offensée. « J’espère, vénérable mère, dit-il, que vous me traiterez avec cette même bonté qui, je le pense, n’a été interrompue que par votre tendre intérêt pour celle qui doit nous être bien chère à tous deux. J’espère pouvoir laisser cette belle fleur sous la protection de l’honorable dame qui est sa plus proche parente, heureuse et en sûreté comme elle le sera toujours tant qu’elle recevra vos conseils et demeurera dans ce saint lieu.

Mais l’abbesse était trop mécontente pour être touchée par un compliment que peut-être il eût mieux valu remettre à un moment plus calme. « Milord, dit-elle, et vous, belle parente, vous devriez savoir que mes conseils sont inutiles aux personnes mondaines, et surtout que je ne les prodigue point quand on ne les écoute pas… Je suis vouée à la religion, à la solitude et à la réclusion, au service, en un mot, de Notre-Dame et de saint Benoît ; et la supérieure m’a déjà réprimandée de ce que j’avais été plus occupée des affaires séculières qu’il ne convenait au chef d’un couvent de recluses ; et cela pour l’amour de vous, belle nièce : je ne veux plus m’exposer au blâme. La fille de mon frère, dégagée des liens mondains, eût été la compagne bienvenue de ma triste solitude ; mais cette maison est indigne de la fiancée d’un puissant baron ; et moi, dans mon humilité et mon inexpérience, je ne me sens pas capable d’exercer envers elle l’autorité que je possède sur celles que protège ce toit. La rigidité de nos dévotions, et les contemplations pures auxquelles sont assujetties les femmes de cette maison, » continua l’abbesse avec une chaleur et une véhémence toujours croissantes, ne seront pas, pour l’amour de ma parente, interrompues par l’arrivée d’une personne dont les pensées doivent se porter sur les bagatelles mondaines de l’amour et du mariage.

— Je crois effectivement, révérende mère, » dit le connétable mécontent à son tour, « qu’une jeune fille riche et renonçant à tout engagement serait une habitante plus convenable et mieux accueillie dans le couvent, que celle qui ne peut se séparer du