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le guerrier, auparavant immobile comme une statue, retrouva toute son activité, et, avec la rapidité d’un cheval de race, courut sur le bord du fossé, et était sur le point de le traverser en face de la croisée où se tenait Rose qui l’exhortait de la voix et du geste.

« Pas ici, pas ici, » s’écria-t-elle avec précipitation en le voyant s’avancer de son côté ; « la croisée à droite : escaladez-la pour l’amour du ciel, et ouvrez la porte de communication. »

Le soldat parut la comprendre : il s’élança dans le fossé sans hésitation, s’attachant aux branches des arbres ; en un moment il disparut parmi les broussailles, et celui d’après, profitant des rameaux d’un chêne nain, Rose le vit à sa droite tout près de la croisée de la chambre fatale… Une crainte restait… Cette croisée pouvait être fermée en dedans ; mais non, elle céda aux efforts du Normand, et ses ferrures mangées par la rouille tombèrent avec un fracas auquel le sommeil de Gillian même ne put résister.

Poussant cri sur cri suivant l’usage des poltrons et des sots, elle entra dans le cabinet au moment même où la porte de la chambre d’Éveline s’ouvrait, et où le guerrier normand parut portant dans ses bras le corps inanimé et à demi vêtu de la jeune châtelaine. Sans dire un mot, il la déposa dans les bras de Rose, et, aussi précipitamment qu’il était entré, il s’élança dehors par la fenêtre de laquelle Rose l’avait appelé.

Gillian, étourdie par la peur et l’étonnement, entassait questions sur questions, et ne s’interrompait que pour crier au secours, jusqu’à ce que Rose l’eût réprimandée d’un ton qui parut la rappeler à elle-même. Elle devint alors assez calme pour aller chercher la lampe qui brûlait dans la chambre qu’elle venait de quitter, et pour se rendre de quelque utilité, en suggérant et appliquant des différents remèdes employés pour rendre à quelqu’un l’usage de ses sens. Elles réussirent enfin à faire revenir leur maîtresse ; Éveline poussa un profond soupir, et ouvrit les yeux. Cependant elle ne tarda pas à les refermer, et ayant laissé tomber sa tête sur le sein de Rose, elle fut atteinte d’un violent frisson. Pendant ce temps, sa fidèle suivante lui frottait alternativement les mains et les tempes avec les soins les plus affectueux, et mêlait de temps à autre ses caresses à ses efforts. À la fin elle s’écria : « Elle vit, elle revient, le ciel soit loué !

— Le ciel soit loué ! » répéta une voix solennelle qui partait du côté de la croisée ; et se retournant avec terreur, Rose reconnut,