Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/129

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rement d’anneaux d’acier enchaînés d’une manière curieuse. Ses mains nues et son front couvert d’un bonnet de velours appelé mortier, et que les chevaliers seuls avaient le droit de porter, lui permirent alors de causer et de manger avec plus de facilité que lorsqu’il était revêtu de son armure défensive. Sa conversation était simple, mâle et sensée ; et la tournant sur l’état du pays et les précautions qu’il fallait observer pour gouverner et défendre une frontière où il se commettait tant de désordres, elle devint peu à peu intéressante pour Éveline, dont le plus grand désir était de protéger les vassaux de son père. De Lacy, de son côté, parut fort content ; car, malgré la jeunesse d’Éveline, ses questions montraient de l’intelligence, et ses réponses indiquaient une conception prompte et un esprit docile. Enfin il s’établit entre eux une telle familiarité, que, lorsqu’ils se remirent en route, le connétable parut croire que sa place était auprès de lady Éveline ; et quoiqu’elle ne fît rien pour l’attirer, elle ne semblait nullement désirer qu’il s’éloignât. Amant peu ardent, de Lacy, quoique séduit par la beauté et les qualités aimables de la belle orpheline, paraissait satisfait de ce qu’elle le supportait pour compagnon, et ne cherchait pas à profiter de cette familiarité pour revenir sur le sujet dont il avait été question la veille.

À midi, on fit une halte dans un petit village où le même pourvoyeur avait fait des préparatifs pour leur réception, et surtout pour celle de lady Éveline. Mais ce qui excita en elle quelque surprise, c’est qu’il continua de rester invisible. La conversation du connétable de Chester était sans doute instructive ; mais, à l’âge d’Éveline, une jeune personne pouvait paraître excusable de désirer pour sa société un personnage moins âgé et moins grave ; et quand elle se rappelait avec quelle exactitude Damien lui avait jusqu’à présent rendu ses hommages, elle s’étonnait un peu de son absence. Mais cette réflexion n’alla pas plus loin que la fugitive pensée de quelqu’un qui n’est pas assez absorbé par le plaisir de la société dans laquelle il se trouve, pour ne pas la croire capable d’être agréablement augmentée. Elle prêtait une oreille patiente aux explications que lui donnait de Lacy sur l’origine et la généalogie d’un brave chevalier de la famille distinguée d’Herbert, dans le château duquel il se proposait de passer la nuit, quand quelqu’un de la suite vint annoncer un messager de lady Baldringham.

« C’est la tante de mon vénérable père, » dit Éveline, se levant,