Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/116

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personne qui se voyait déjà dans l’impossibilité d’acquitter envers lui sa dette de reconnaissance. Le connétable se releva, et après avoir baisé la main qu’elle lui offrait, il la pria, puisqu’elle avait eu la condescendance de se rendre en ces lieux, de daigner entrer dans la modeste tente qu’il avait préparée pour la recevoir, et de lui accorder l’audience qu’il avait sollicitée. Éveline ne répondant que par un salut, lui présenta sa main, et, commandant à sa suite de s’arrêter, elle ordonna à Rose Flammock de la suivre.

« Milady, dit le connétable, l’affaire dont je suis obligé de vous parler à la hâte exige le secret.

— Cette jeune fille, milord, est ma suivante, répondit Éveline ; mes plus secrètes pensées lui sont connues : je vous prie donc de permettre qu’elle soit présente à notre entretien.

— C’eut été mieux autrement, répliqua Hugo de Lacy avec embarras ; mais vos désirs seront remplis. »

Il conduisit lady Éveline dans sa tente, et la supplia de s’asseoir sur des coussins en riche soie de Venise. Rose se plaça derrière sa maîtresse, à demi agenouillée sur les mêmes coussins, étudiant les moindres mouvements de l’illustre guerrier politique dont la renommée avait tant de fois parlé ; jouissant de son embarras comme d’un triomphe de son sexe, et croyant avec peine que son pourpoint de chamois et sa forme carrée s’accordassent avec la splendeur de la scène et la beauté presque angélique d’Éveline.

« Milady, » dit le connétable avec hésitation, « pour m’expliquer, je voudrais employer ces phrases que les dames aiment à entendre, et que mérite si bien votre admirable beauté ; mais, élevé dans les camps et dans les conseils, je ne puis parler qu’avec simplicité et franchise.

— Je ne vous comprendrai que plus facilement, » dit Éveline, qui ne pouvait se rendre compte du tremblement qu’elle éprouvait.

« Je parlerai donc franchement. Une espèce d’engagement, ayant pour but une union entre nos deux maisons, a été conclu entre votre père et moi. » Là il s’arrêta, comme s’il eut désiré ou attendu une réponse de la part d’Éveline ; mais comme elle gardait le silence, il continua. « Plût au ciel qu’ayant assisté au commencement de ce traité, il eût assez vécu pour le conduire et le conclure avec sa sagesse ordinaire ! mais il n’est plus ; il a pris le sentier que nous devons tous parcourir.