Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/103

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Le soleil était alors au méridien, et la plaine présentait, dans toute son étendue, un tumulte bien différent de la solitude qu’on y avait remarquée le matin, et contrastait aussi d’une manière frappante avec les cris et la fureur du précédent assaut. La nouvelle de la victoire gagnée par Hugo de Lacy se répandit dans le pays environnant, et plusieurs des habitants des campagnes, qui s’étaient dérobés par la fuite à la furie du loup de Plinlimmon, commençaient à revenir vers leurs habitations désolées. On remarquait déjà un nombre considérable de ces hommes paresseux et lâches qui pullulent dans les pays exposés aux vicissitudes de la guerre ; ils accouraient dans ces lieux, soit par amour du pillage, soit par pure curiosité. Les Juifs et les Lombards, méprisant le danger partout où il existe une chance de gain, se répandaient dans le camp, vendant aux hommes d’armes victorieux des liqueurs et autres objets, pour les bijoux en or, encore teints de sang, qui avaient appartenu aux Bretons vaincus. D’autres remplissaient le rôle de courtiers entre les Gallois captifs et leurs vainqueurs. Quand ils croyaient aux protestations de solvabilité et de bonne foi des premiers, ils s’engageaient pour eux, et même avançaient, argent comptant, la somme nécessaire à leur rançon. D’autres, et ils étaient en grand nombre, devenaient acquéreurs des prisonniers qui ne pouvaient pas acquitter sur-le-champ le prix de leur rançon.

Afin que l’argent que le soldat amassait de cette manière ne l’embarrassât pas long-temps, ou ne réprimât point son ardeur pour de nouvelles entreprises, on lui offrait les moyens ordinaires de dissiper les dépouilles militaires qu’il avait conquises. Des courtisanes, des bouffons, des jongleurs, des ménestrels, des charlatans, avaient accompagné l’armée dans sa marche nocturne ; et, pleins de confiance dans la réputation militaire du célèbre de Lacy, ils s’étaient arrêtés sans crainte à quelque distance du camp ; jusqu’à ce que la bataille eût été finie et gagnée. Ces diverses troupes approchèrent alors en bandes joyeuses pour féliciter les vainqueurs. Près de l’endroit où ils dansaient, chantaient et racontaient, des paysans, venus exprès, ouvraient, sur le champ de bataille encore sanglant, de larges tranchées pour déposer les morts. On apercevait des médecins prodiguant leurs soins aux blessés, des prêtres et des moines confessant ceux dont on désespérait, des soldats enlevant du champ de bataille les cadavres des morts les plus illustres. Des paysans déploraient leurs mois-