Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/102

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de la défaite de vos sauvages ennemis, et vous envoie ces marques non équivoques de l’empressement qu’il a mis à venger la mort déplorable de votre noble père, son camarade et son ami. » En disant ces mots, il présenta à Éveline des bracelets d’or et l’eudorchawg, ou chaîne d’anneaux d’or entrelacés, insigne du prince Gallois.

« Gwenwyn a donc succombé, » dit Éveline avec un frissonnement naturel, mais que combattait le sentiment d’une vengeance satisfaite. Les trophées que lui présentait le jeune Lacy étaient encore teints de sang. « Ainsi donc, ajouta-t-elle, il n’est plus, le meurtrier de mon père !

— La lance de mon oncle a percé le Breton au milieu des efforts qu’il faisait pour rallier ses soldats mis en fuite ; il rendit le dernier soupir en jetant des regards affreux sur l’arme qui l’avait traversé de part en part, et en essayant, mais en vain, de porter à son ennemi un coup de sa massue.

— Le ciel est juste, dit Éveline ; puisse-t-il, pour compenser la mort cruelle qu’il a reçue, pardonner à cet homme de sang les forfaits qu’il a commis ! Encore une question : les restes de mon père… » Elle s’arrêta, ne pouvant continuer.

« Puissante et noble dame, dans une heure ils vous seront remis, » répliqua l’écuyer d’un air de tristesse et de mélancolie que lui inspiraient naturellement les chagrins de cette jeune et belle orpheline. « Au moment où je quittais l’armée, on s’occupait des préparatifs nécessaires pour enlever les restes mortels de l’illustre Raymond. Nous l’avons trouvé au milieu des cadavres immolés de sa main. Le vœu de mon parent ne lui permet point de passer votre pont-levis, mais, avec votre permission, milady, je le représenterai à ces vénérables obsèques : il m’a donné, à cet égard, son autorisation.

— Mon noble père, dit Éveline, » faisant un effort pour retenir ses larmes, « sera pleuré par nos nobles et braves libérateurs. Quel plus grand honneur peut-on rendre à sa mémoire ! » Elle eût voulu continuer ; mais la voix lui manqua, et elle fut obligée de se retirer à la hâte pour donner un libre cours à ses larmes et se préparer pour les funérailles, afin d’y déployer toute la cérémonie nécessaire dans une telle circonstance. Damien salua alors la jeune héritière avec tout le respect qu’il eût rendu à une divinité, et, montant son coursier, il retourna vers l’armée de son oncle, qui venait de camper sur le champ de bataille.