Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 29, 1838.djvu/8

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mélancolique et sombre de ses habitants, exaltée par leur isolement et leurs veillées mystérieuses, tout semblait concourir à perpétuer au milieu d’eux les erreurs populaires qui y paraissent enracinées, et qu’il faudra long-temps encore pour extirper entièrement.

Sous le rapport philologique, la Démonologie sera lue avec fruit, même par le très petit nombre de personnes que leurs travaux ou leurs goûts n’ont pu jusqu’à ce jour initier à l’attrait des romans de Walter Scott. C’est une esquisse animée et fidèle des préjugés de l’espèce humaine depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours. Les magiciens de Pharaon, la pythonisse d’Endor, celle de Delphes, les Circés ou Médées grecques et romaines, tout est passé en revue, discuté avec profondeur et mêlé de réflexions judicieuses ou de saillies piquantes. Les siècles antérieurs au christianisme, si l’on excepte les cruautés religieuses du peuple Israélite, ne déroulent guère que des tableaux plus ou moins ridicules et comiques, sans y rien ajouter, en général, de tragique ou de sanglant. Mais passé les premières époques du règne de l’Évangile, et arrivés au moyen âge, nous voyons s’élever les échafauds et les bûchers, et le sang des victimes couler par flots. Une bulle du pape Innocent VIII, en 1484, donne le signal d’atroces persécutions, que ses dignes successeurs se font gloire de soutenir ou du moins de tolérer. Dans l’espace de trois mois (1515) plus de cinq cents sorciers ou gens accusés de magie sont exécutés à Genève ; plus de mille périssent à Côme, en moins d’un an ; en Lorraine, Remigius (de 1580 à 1595) en fait brûler neuf cents ; dans le Poitou, au bon temps de Charles IX, plus de trente mille, suivant Bodin, alimentent les feux de l’inquisition, qui, en Espagne, comme le rapporte l’historien Llorente, en fit périr plus de cent mille. En Allemagne, le seul canton de Linden voit en quatre ans (de 1660 à 1664) enlever par le fanatisme le vingtième de sa population. Non content de brûler les sorciers ou sorcières, souvent aussi on frappait du même sort leurs parents.