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Outre l’adoption générale de la langue anglaise, qui se répandit peu à peu, sans doute, dans les parties les plus civilisées des basses terres, le français-normand se parlait aussi à la cour qui, comme les noms de témoins au bas de chartes royales, de fondations, et d’autres pièces nous l’apprennent, était le rendez-vous de ces illustres étrangers. On l’adopta encore pour les formules des serments que les rois prêtaient à leur sacre, d’où on peut conclure que c’était la langue des nobles, tandis que la traduction latine des formules semble avoir été faite à l’usage du clergé. Enfin le français-normand, comme spécialement propre à énoncer les stipulations féodales, s’employait souvent dans les procédures.

La constitution politique de l’Écosse ne s’était jusqu’alors approprié aucune forme représentative. Le roi agissait d’après l’avis et quelquefois sous le contrôle d’un grand conseil féodal, espèce de cour plénière, où les premiers vassaux de la couronne et les plus hauts dignitaires de l’église étaient appelés. Mais il n’y avait aucune représentation du tiers-état[1]. Néanmoins l’esprit de la liberté présidait au gouvernement, et quoique les institutions qui devaient la garantir ne fussent pas encore parfaites à cette époque si reculée, le grand conseil ne manquait pas d’élever la voix dès que le souverain tombait dans quelque erreur politique. Quant aux franchises religieuses, nous avons déjà montré qu’elles furent défendues en Écosse avec plus d’indépendance que dans aucun autre état européen de cette période.

Les arts utiles commencèrent à être cultivés. Les nobles et les bourgeois s’abritèrent dans des tours bâties sur de fortes positions naturelles. Toutefois, leur habileté en architecture ne devait pas être fort grande, puisque, du temps même d’Alexandre III, la construction d’une belle arcade ne put s’expliquer que par la magie[2] et le peu de magnifiques châteaux d’ancienne date qui subsistent en Écosse doivent être attribués aux Anglais pendant leur courte occupation de ce pays.

L’Écosse a joui pendant cette période d’un commerce plus

  1. Cette considération est savamment traitée par Fraser Tytler dans la récente histoire d’Écosse, vol. II, section 3 de l’appendice. w. s.
  2. L’arcade en question se voit dans les ruines qui ornent le parc d’un château appartenant au marquis de Tweedale, à Yester. Fordun dit qu’elle fut construite arte quâdam maqicâ, et qu’on rappelait Bo-Hall, c’est-à-dire Hobgoblin-Hall, ou la salle aux démons. Je présume que toute la magie consistait en l’art de jeter une arcade, puisque la route qui existe encore n’offre rien autre chose de remarquable. w. s.