Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 27, 1838.djvu/13

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en très grand nombre, qui servaient d’ouvrages avancés pour la défense de la muraille du sud.

Tant à cause de cet agrandissement de leurs territoires que par crainte des aigles romaines, les Calédoniens restèrent tranquilles jusqu’au commencement du troisième siècle, où, en l’an 207, une guerre ouverte éclata de nouveau entre eux et les Romains. En 208, l’empereur Sévère entreprit personnellement la conquête définitive de la Calédonie. Il serait difficile de déterminer pourquoi, lorsque des troubles agitaient l’empire, un prince non moins prudent que politique, élevé par ses talents, du simple commandement des troupes de Pannonie au rang suprême d’empereur, alla, en dépit de son grand âge de soixante ans, exposer sa personne et une puissante armée, la fleur de ses soldats, aux risques d’une lutte lointaine contre de sauvages tribus, où une victoire, on devait s’y attendre, ne pouvait lui procurer que peu de gloire, mais où une défaite, où l’insuccès même eût été la ruine de cette réputation qui constituait son titre reconnu à l’empire. Peut-être, Sévère, le cœur ulcéré des dissensions qui régnaient entre ses fils Géta et Caracalla, saisit-il, avec la brusquerie d’un soldat de naissance et d’éducation, ce moyen d’étourdir ses chagrins domestiques au milieu du tumulte de la guerre. Un Écossais peut encore prétendre que la soumission des Calédoniens n’était une affaire ni peu facile ni peu importante, puisque, dans des circonstances pareilles, un prince si sage ne voulut déléguer à personne l’honneur qui pouvait résulter de la lutte, non plus que le commandement des forces imposantes nécessaires pour le conquérir.

L’empereur romain fit l’invasion de la Calédonie à la tête d’une très nombreuse armée. Il abattit des forêts, pratiqua des routes à travers des marais et par-dessus des montagnes, enfin voulut s’assurer des districts qu’il avait envahis. Mais les Calédoniens, tout en évitant une action générale, suivirent, ce qui est le meilleur parti à prendre pour une contrée assaillie par des troupes supérieures aux siennes, un système meurtrier d’escarmouches sur les flancs et sur les derrières des envahisseurs. De plus, les travaux des Romains, avec les fatigues et les privations qu’ils eurent à subir, les décimèrent tellement que, s’il en faut croire l’historien Dion, ils perdirent cinquante mille hommes, ce qui était sans doute plus de la moitié de leurs forces. Sévère, cependant, s’avança jusqu’au golfe de Murray, ou Moray,