Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’engagèrent à s’arrêter non loin de la ville jusqu’au point du jour.

Il se tint à l’écart, et vit passer plusieurs groupes à côté de lui : l’air mystérieux de leur conversation, l’heure avancée de la nuit, la précipitation avec laquelle ils s’éloignaient, lui firent conjecturer qu’ils avaient pris part aux funestes événements qui venaient de se passer.

Il est certain que la soudaine et complète dispersion des insurgés, sitôt que leur vengeance fut satisfaite, n’est pas un des traits les moins remarquables de cette singulière insurrection. En général, quel que soit le but d’une émeute populaire, ce but une fois atteint, la multitude ne manque guère de se porter à d’autres excès. Il n’en fut point ainsi dans cette occasion : les factieux semblèrent complètement satisfaits de la vengeance qu’ils s’étaient procurée avec tant de résolution et d’activité. Une fois assurés que leur victime avait rendu le dernier soupir, ils se dispersèrent dans toutes les directions, abandonnant les armes qu’ils n’avaient prises que pour exécuter leur projet. Quand le jour parut il ne restait pas la moindre trace des événements de la nuit, si ce n’est le corps du malheureux Porteous encore suspendu à la poutre fatale, et les armes de différentes espèces enlevées dans le corps-de-garde de la ville, que les factieux dispersèrent çà et là dans les rues sitôt qu’elles leur devinrent inutiles.

Les magistrats reprirent leur autorité, mais en tremblant, car l’expérience venait de leur apprendre combien elle était fragile. Faire entrer des troupes dans la ville, commencer sur les événements de la nuit précédente, une enquête sévère, telles furent les premières marques du retour de leur énergie. Mais ces événements avaient été dirigés d’après un plan si bien combiné pour assurer le secret et le salut des conspirateurs, que rien, ou à peu près rien, ne fut découvert touchant les auteurs ou acteurs principaux d’une entreprise si hardie. Un exprès fut dépêché pour en porter la nouvelle à Londres, où elle excita autant d’indignation que de surprise dans le conseil de régence, et particulièrement chez la reine Caroline, qui regardait son autorité comme exposée au mépris par le succès de cette singulière conspiration. Pendant quelque temps on ne parla que des mesures de vengeance qui allaient être prises, non seulement contre les meurtriers du capitaine lorsqu’ils seraient découverts, mais même contre les magis-