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qui conduisent de Cowgate à High-Street, marchant toujours tambour battant, et invitant par leurs cris tous les vrais Écossais à les suivre : bientôt ils remplirent la principale rue de la ville.

La porte de Netherbow pourrait être appelée le Temple-Bar d’Édimbourg. Elle coupe High-Street à son extrémité, et sépare la ville d’Édimbourg proprement dite du faubourg de la Canongate, comme Temple-Bar sépare Londres de Westminster. Il était de la plus grande importance pour les insurgés de s’en emparer, parce qu’il y avait alors dans la Canongate un régiment d’infanterie commandé par le colonel Moyle, qui pouvait se rendre maître de la ville en y pénétrant par cette porte, et les empêcher aisément d’exécuter leur projet. Les chefs s’y dirigèrent donc aussitôt, s’en assurèrent de la même manière, et sans plus de peine que des autres, et laissèrent pour la garder un détachement proportionné à l’importance du poste.

Le premier soin de ces hardis insurgés fut ensuite de désarmer la garde de la ville, et en même temps de se procurer des armes : car jusque-là ils n’avaient eu que des bâtons et des gourdins. Le corps-de-garde, détruit en 1787, était un bâtiment long, bas et irrégulier, qu’une imagination fantasque aurait pu comparer à un grand limaçon noir rampant au milieu de High-Street et détruisant sa belle symétrie. Cette formidable insurrection était si inattendue, qu’il n’y avait pas alors à ce poste plus d’une vingtaine d’hommes commandés par un sergent ; encore n’avaient-ils ni poudre ni balles. Ils savaient fort bien quelle était la cause de l’émeute, et on peut penser qu’ils étaient peu disposés à risquer leur vie en s’opposant à une multitude si furieuse, qui devait, en cette occasion, leur en vouloir plus encore que de coutume.

La sentinelle (pour qu’on pût dire au moins qu’un des soldats de la ville avait fait son devoir dans cette nuit mémorable) coucha en joue les premiers qui s’avancèrent, et les somma de s’arrêter. Mais la jeune amazone dont Butler avait remarqué particulièrement l’activité, s’élança sur le garde, saisit son mousquet, et après une lutte opiniâtre réussit à le lui arracher, en le jetant lui-même sur le pavé. Un ou deux soldats qui voulurent venir au secours de leur camarade, furent pareillement saisis et désarmés, et la multitude s’empara sans peine du corps-de-garde, après avoir chassé les hommes qui l’occupaient et enlevé leurs armes. On remarqua que, quoique les soldats de la garde de la ville eussent été les instruments du meurtre que le complot voulait venger,