Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/553

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Quelles que pussent être les secrètes sensations de sir George Staunton en recueillant les détails de cette affligeante histoire, et en apprenant le sort tragique de l’infortunée qu’il avait perdue, toujours emporté par la même opiniâtreté de caractère, il ne s’arrêta qu’à une seule pensée, celle qui lui présentait la perspective de retrouver son fils, et négligea tout le reste. Il était vrai qu’il serait difficile de le faire paraître sans raconter l’histoire de sa naissance et des malheurs de ses parents, plus peut-être qu’il n’était prudent d’en faire connaître ; mais, pourvu qu’il le retrouvât, et surtout digne de la protection de son père, on saurait trouver plus d’un moyen d’éviter ce danger. Sir George Staunton était libre de l’adopter et de le nommer son héritier sans communiquer le secret de sa naissance, où il pouvait obtenir un acte du parlement qui le légitimât et lui permît de porter le nom et les armes de son père. D’ailleurs, d’après la loi d’Écosse, le mariage subséquent de ses parents l’avait déjà légitimé. D’un caractère absolu et opiniâtre, sir George n’éprouvait plus qu’un seul désir, celui de revoir son fils, dût-il, en le retrouvant, attirer sur lui de nouveaux malheurs aussi terribles que ceux qui avaient suivi sa disparition.

Mais où était le jeune homme qui pouvait être appelé à hériter des biens et des titres de cette ancienne famille ? dans quelles landes désertes était-il errant ? sous quel vil déguisement était-il caché ? gagnait-il un pain précaire au moyen de quelque petit trafic, par un travail manuel, ou par le vol et le brigandage ? Telles étaient les questions sur lesquelles les inquiètes recherches de sir George ne pouvaient obtenir aucune lumière. Quelques personnes se rappelaient qu’Annaple Bailzou avait autrefois rôdé dans le pays comme mendiante, diseuse de bonne aventure et bohémienne ; d’autres se souvenaient de l’avoir vue avec un enfant dans ses bras, en 1737 ou 38 ; mais, depuis plus de dix ans, elle n’avait pas paru dans le comté ; et on lui avait entendu dire qu’elle allait dans une partie éloignée de l’Écosse, où elle était née. Ce fut donc vers l’Écosse que se dirigea sir George Staunton ; et, après s’être séparé de sa femme à Glasgow, il se rendit à Édimbourg, où le hasard voulut que l’assemblée générale de l’Église fût en ce moment convoquée, et ses liaisons avec le seigneur qui remplissait les fonctions de lord-commissaire l’obligèrent de paraître en public plus qu’il ne convenait à ses vues et à ses goûts.