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CHAPITRE LI.

LES DEUX BEAUX-FRÈRES.


Qu’avez-vous là qui puisse vous faire ainsi trembler, et chasser le sang de vos joues ?
Shakspeare, Henri V.


Nous sommes obligés de retourner maintenant à Édimbourg, où l’assemblée générale tenait alors ses séances. On sait qu’il est d’usage que quelque seigneur écossais y soit député en qualité de grand-commissaire, et pour représenter la personne du roi dans cette assemblée ; qu’il lui est alloué une somme destinée à le mettre en état de déployer un certain faste extérieur, de tenir table ouverte et de donner des fêtes dignes d’un représentant du souverain. Tout Écossais distingué par son rang ou sa naissance, dans la capitale ou aux environs, se fait un devoir d’assister aux levers du lord commissaire et de grossir son cortège en l’accompagnant au lieu des séances.

Le seigneur appelé à remplir ces fonctions était intimement lié avec sir George Staunton, et ce fut à sa suite que celui-ci se hasarda à traverser la grande rue d’Édimbourg, pour la première fois depuis la nuit fatale de l’exécution de Porteous. Marchant à droite du représentant de la majesté royale, couvert de dentelles et de broderies, entouré de tout l’éclat du rang et des richesses, la belle tournure du noble Anglais, malgré le dépérissement de sa personne, attirait tous les regards : qui aurait pu reconnaître, dans le maintien hautain et sous le costume brillant de l’orgueilleux aristocrate, le plébéien proscrit qui, sous les haillons de Madge Wildfire, avait conduit une population redoutable à la vengeance ? Il n’y avait aucune possibilité que rien de semblable pût arriver, quand même quelqu’un de ses anciens associés, race d’hommes dont la vie est ordinairement si courte, eut prolongé la sienne au-delà du terme généralement accordé aux malfaiteurs. D’ailleurs, cette affaire était depuis long-temps assoupie avec les passions violentes qui lui avaient donné naissance. Il est certain que des personnes connues pour avoir pris part à cette insurrection redoutable, et qui s’étaient enfuies de l’Écosse pour en éviter les suites, après avoir fait fortune chez l’étranger, revinrent jouir de leurs richesses dans leur pays natal, y vécurent et y moururent sans être inquiétées par les lois. L’indulgence des