Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/540

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n’oubliez pas que mon intention est que mes bagages soient transportés ici. »

Elle fit alors une révérence de congé au pauvre Duncan, qui se dit en murmurant tout bas : « Maudite soit l’impudence des Anglais ! la voilà qui prend possession de la maison du ministre comme si c’était la sienne, et qui parle à un gentilhomme comme s’il était un de ses domestiques… le diable l’emporte ! Et le chevreuil qu’on a tué tout exprès pour elle ! Allons, je l’enverrai au presbytère ; c’est une politesse que je dois à la digne mistress Butler pour l’embarras que tout ceci va lui causer. » Et dans ces bonnes dispositions, il prit le chemin du rivage, afin de donner ses ordres en conséquence.

Pendant ce temps, l’entrevue des deux sœurs était aussi touchante qu’extraordinaire, et chacune se livrait à la joie qu’elle en éprouvait, suivant son caractère particulier. Jeanie, troublée par un étonnement mêlé de respect et de crainte, en restait comme étourdie et hors d’état d’exprimer des sentiments qui absorbaient toutes ses facultés… Quant à Effie, elle pleurait et riait en même temps, sanglotait, poussait des cris de joie en frappant des mains, et s’abandonnait ainsi sans réserve à cette excessive vivacité de caractère et de passions que personne cependant ne savait mieux maîtriser et contenir dans les bornes de ce calme artificiel que prescrit l’usage du grand monde.

Au bout d’une heure, qui s’écoula pour elles aussi rapidement qu’une minute, au milieu de ces témoignages d’affection mutuelle, lady Staunton aperçut le capitaine qui marchait d’un air impatient sous les fenêtres. « Voilà cet imbécile de montagnard qui va encore nous retomber sur les bras, dit-elle, mais je m’en vais le prier de nous honorer de son absence. — Oh ! non, non, » dit mistress Butler du ton de la prière ; « il ne faut pas offenser le capitaine… — L’offenser… et qui s’est jamais offensé de ce que je puis dire ou faire, ma chère amie… ? Cependant je le supporterai, si tel est votre bon plaisir… »

En conséquence lady Staunton voulut donc bien adresser au capitaine la gracieuse invitation de rester à dîner, et pendant tout le temps de sa visite, l’air de respect obséquieux et de complaisance étudiée qu’il se crut obligé de conserver envers la grande dame, faisait un contraste amusant avec le ton cavalier et la politesse familière qu’il jugeait pouvoir se permettre avec la femme du ministre.