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mant de sa situation et en entrant dans une foule de détails sur ses affaires domestiques, elle éprouva une singulière vacillation dans ses idées : car tantôt elle s’excusait de parler de choses qui devaient être indignes de l’attention d’une dame d’un haut rang, et tantôt elle se rappelait que tout ce qui lui était relatif devait intéresser sa sœur. Après avoir mis sa lettre sous enveloppe et à l’adresse de M. Whiterose, elle la fit mettre à la poste à Glasgow par un de leurs paroissiens qui avait affaire dans cette ville.

La semaine suivante, le duc arriva à Roseneath, et il ne tarda pas à manifester son intention d’aller chasser dans le voisinage d’Auchingower et de coucher au presbytère, honneur qu’il avait déjà fait une fois ou deux à ses habitants.

Effie avait deviné juste ; le duc n’eut pas plus tôt pris place à table du côté droit de mistress Butler, que, tout en découpant une excellente volaille engraissée dans la maison, et qu’on avait choisie entre toutes, comme digne d’être servie dans cette grande occasion, il se mit à parler de lady Staunton de Willingham dans le Lincolnshire, et du bruit que faisaient à Londres son esprit et sa beauté. Jeanie s’était bien attendue à quelque chose de semblable, mais entendre vanter l’esprit d’Effie, c’est ce qu’elle ne s’était pas imaginé, car elle ignorait combien le ton de plaisanterie et de persiflage en usage dans le grand monde, ton qui dans la classe inférieure serait regardé comme de l’impertinence, est facile à acquérir pour une femme vive et jolie.

« C’était la beauté à la mode de cet hiver, dit le duc, l’astre qui dominait tous les autres, l’objet de tous les toasts ; et je dois dire que c’était la plus belle créature qu’il y eut à la cour le jour de l’anniversaire. »

« Effie à la cour le jour de l’anniversaire ! » Jeanie, en songeant à sa présentation à la reine, à ses circonstances extraordinaires et à l’événement qui l’avait causée, se sentait anéantie par la surprise.

« Je vous parle de cette dame, mistress Butler, parce qu’elle a quelque chose dans le son de la voix et dans l’expression de la figure, qui, en la regardant, me rappelait vos traits, non pas quand vous êtes pâle comme vous l’êtes en ce moment. Cependant je crains réellement que vous ne vous soyez trop fatiguée ; il faut que vous me fassiez raison de ce verre de vin. »

Elle accepta, et Butler remarqua que c’était un compliment