Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/46

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cueil qu’il reçut des magistrats le rendit encore plus inquiet sur les moyens de se justifier. Il nia qu’il eût ordonné de faire feu ; il nia qu’il eût tiré lui-même ; il fit même examiner son fusil, et on le trouva encore chargé : des trois cartouches qu’il avait mises le matin dans sa giberne, deux y étaient encore ; on passa un mouchoir blanc dans le canon, et il en sortit sans être noirci. Mais on répondit à ces preuves que si Porteous ne s’était pas servi de son arme, il avait pris celle d’un soldat. Parmi le grand nombre de personnes tuées ou blessées, il s’en trouva quelques-unes d’un rang assez élevé ; car un sentiment d’humanité ayant porté quelques soldats à tirer par-dessus les têtes de la populace rassemblée autour de l’échafaud, plusieurs personnes placées aux fenêtres d’où elles contemplaient de loin ce triste spectacle, avaient été atteintes. L’indignation était générale et s’exprimait hautement ; et avant que les esprits eussent eu le temps de se calmer, le procès du capitaine Porteous fut commencé devant la haute cour de justice.

Après de longs et sérieux débats, le jury se trouva chargé d’une tâche difficile. De nombreux témoins, et parmi eux des hommes fort respectables, déposaient positivement que l’accusé avait commandé le feu et avait fait feu lui-même ; quelques-uns même l’avaient vu tirer sur un homme qu’il avait abattu ; d’autres, quoique bien placés pour voir tout ce qui s’était passé, n’avaient point entendu Porteous ordonner de faire feu, ne l’avaient point vu tirer lui-même, et assuraient au contraire que le premier coup de fusil avait été tiré par un soldat placé près de lui. Une partie de sa défense roulait aussi sur l’agitation de la populace, que les témoins, selon leurs sentiments, leurs prédilections, ou le plus ou moins de facilité qu’ils avaient eu d’observer, représentaient sous un jour différent : quelques uns la peignaient comme une sédition redoutable ; d’autres n’y avaient vu qu’un désordre fort peu grave, comme il en arrive en pareilles occasions, où les exécuteurs et ceux qui sont chargés de les protéger sont toujours exposés à quelques attaques. Le verdict des jurés prouve comment ils apprécièrent ces diverses dépositions : il déclare que John Porteous avait tiré sur le peuple assemblé pour voir l’exécution ; qu’il avait ordonné une décharge, par suite de laquelle plusieurs personnes furent tuées ou blessées ; mais que l’accusé et sa troupe avaient été provoqués par les pierres que la populace lançait contre eux. D’après ce verdict, les lords de la cour prononcèrent une sentence