Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/416

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suis au bout de mes conjectures, milord, et Votre Grâce voudra bien elle-même m’expliquer l’affaire de sa protégée. »

Le duc expliqua alors à la reine la loi singulière qui condamnait Effie Deans à mort, et lui détailla tous les généreux efforts que Jeanie Deans avait faits en faveur d’une sœur à laquelle elle se montrait capable de tout sacrifier, excepté la vérité et sa conscience. Le duc fit ce récit avec la précision et l’élégance rapide qu’on n’acquiert que par l’habitude de la conversation du grand monde.

La reine Caroline écouta avec attention. On doit se rappeler qu’elle aimait assez à soutenir une discussion, et elle trouva bientôt matière, dans ce que venait de dire le duc, à lui opposer des objections.

« Il me semble effectivement, milord, répliqua-t-elle, que c’est une loi sévère. Cependant je dois croire qu’elle a été adoptée après de mûres considérations et qu’elle est en rapport avec les besoins du pays. Les présomptions que cette loi applique comme des preuves positives de crime existent dans l’affaire de cette jeune fille, et tout ce que Votre Grâce a dit sur la possibilité de son innocence peut être un très-bon argument pour annuler l’acte du parlement qui l’a rendue ; mais tant qu’il existe, ce ne peut en être un en faveur d’un individu condamné d’après cette loi. »

Le duc vit le piège et l’évita, car il sentait qu’en répliquant à cet argument il amènerait nécessairement une discussion dans le cours de laquelle il était probable que la reine se fortifierait dans sa propre opinion, au point de se trouver obligée, pour rester conséquente à ses principes, de laisser périr la coupable. « Si Votre Majesté, dit-il, daignait entendre ma pauvre compatriote elle-même, peut-être trouverait-elle dans son propre cœur un avocat plus habile que moi pour combattre les doutes suggérés par son jugement.

La reine parut y consentir, et le duc fit signe à Jeanie d’avancer du lieu où elle était restée occupée à examiner des visages qui depuis long-temps étaient trop accoutumés à supprimer tout signe extérieur d’émotion pour qu’elle en pût rien augurer de favorable pour elle. Sa Majesté ne put s’empêcher de sourire de la terreur et du respect qui étaient peints sur la figure simple et candide de la petite Écossaise quand elle s’approcha d’elle, et encore plus de son accent si fortement prononcé. Mais Jeanie avait une voix douce et harmonieuse, charme bien puissant dans