Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/402

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que je suis de la campagne. — D’ailleurs, répondit la bonne dame, Sa Grâce me connaît bien ; aussi je m’en inquiète moins. Je ne remplis jamais sa tabatière qu’il ne me dise : « Comment vous portez-vous, mistress Glass ? comment vont tous nos amis du Nord ? » « Ou bien il me demandera si j’ai reçu depuis peu des nouvelles d’Écosse. Alors moi, comme vous pensez bien, je lui fais ma plus belle révérence et je réponds : « Milord-duc, j’espère que Sa Grâce, la noble duchesse et les jeunes demoiselles de Votre Grâce sont en bonne santé, et j’espère aussi que Votre Grâce continue à être satisfaite de mon tabac. » Et puis si vous voyiez comme tous ceux qui sont dans la boutique ouvrent de grands yeux ! et s’il s’y trouve un ou plusieurs Écossais, et quelquefois il y en a une demi-douzaine, il faut voir comme ils mettent tous chapeau bas, et comme ils le regardent en disant derrière lui : « Voilà le prince de l’Écosse, Dieu le bénisse ! » Mais contez-moi donc ce qu’il vous a dit.

Jeanie n’avait pas dessein d’être aussi communicative que sa cousine l’aurait voulu. Elle réunissait, comme le lecteur aura déjà pu le remarquer, une grande portion de la prudence et de la sagacité de son pays, à sa simplicité naturelle. Elle répondit, sans entrer dans aucun détail, que le duc l’avait reçue avec bonté ; qu’il lui avait promis de s’intéresser à l’affaire de sa sœur, et lui avait fait entendre qu’elle aurait de ses nouvelles le jour suivant. Mais elle ne se soucia pas de dire qu’il lui avait recommandé de se tenir prête le lendemain à venir le trouver, et moins encore qu’il l’avait priée de ne pas amener sa cousine ; de sorte que l’honnête mistress Glass fut obligée de se contenter de ces renseignements généraux, après avoir fait tout son possible pour en obtenir de plus particuliers.

On conçoit aisément que le jour suivant Jeanie, refusant toute espèce d’invitation, persista à vouloir garder la maison, et qu’aucun motif de curiosité, pas même le besoin de prendre l’air et de marcher, ne put la décider à en sortir. Elle resta donc toute la journée dans le petit parloir de mistress Glass, à respirer une atmosphère épaisse et qui se ressentait du commerce que faisait sa cousine ; l’odeur assez forte qui s’y mêlait provenait d’une armoire contenant, entre autres articles, quelques boîtes de tabac de la Havane que, par respect pour la manufacture ou par crainte des douaniers, mistress Glass ne se souciait pas de laisser en bas dans sa boutique : ces boîtes communiquaient à l’appartement un