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l’âge de vingt et un ans toute la fortune de sa mère, et ne tarda pas à être accablé de dettes et de misère. L’histoire de sa première jeunesse peut s’achever par ces paroles avec lesquelles notre Juvénal anglais décrit un caractère du même genre :

« Fatigué des reproches qu’il méritait, détestant la vérité, il s’enfonça dans la carrière du vice ; la maladie de son âme arriva à une crise décisive : il dédaigna, puis déserta la maison paternelle, et se glorifiant dans sa honte, il s’écria : Je suis libre ! »

« Et cependant c’est bien dommage, disait l’honnête paysan, car M. George ne tient à rien ; il a toujours la main ouverte, et ne peut s’empêcher de donner à quiconque est dans le besoin. »

La générosité qui va jusqu’à la profusion est de toutes les vertus celle qui frappe davantage le vulgaire, par la raison que c’est celle dont il profite le plus, et à ses yeux c’est un voile qui sert à cacher une multitude de fautes.

Notre héroïne arriva sans accident à Stamford avec son guide communicatif ; elle trouva une place dans la voiture, qui, quoique appelée diligence et attelée de six chevaux, n’arriva à Londres que dans l’après-midi du second jour. La recommandation de M. Staunton le père procura à Jeanie une réception civile à l’auberge où elle descendit, et à l’aide du correspondant de mistress Bickerton elle n’eut pas de peine à trouver sa parente, mistress Glass, par qui elle fut accueillie et traitée avec amitié.


CHAPITRE XXXV.

VISITE AU DUC D’ARGYLE.


Mon nom est Argyle, et il peut vous paraître étrange que, vivant à la cour, je sois toujours resté le même.
Ballade.


Peu de noms méritent une place aussi honorable dans l’histoire d’Écosse à l’époque dont nous parlons que celui de John, duc d’Argyle et de Greenwich. Ses talents, comme homme d’état et comme militaire, sont généralement reconnus. Il n’était pas sans ambition ; mais il n’avait pas cette maladie qui s’y attache, cette espèce de dérèglement dans le but et dans les désirs qui souvent excite les hommes à saisir dans les temps de trouble les moyens qui peuvent les mener au pouvoir, au risque de jeter le royaume dans le désordre. Pope l’a peint ainsi :

Argyle peut tenir les foudres de l’état,
Et vaincre au champ d’honneur comme dans le sénat.

Il était exempt des vices ordinaires aux hommes d’état, la per-