Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/390

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Pour mettre le comble à son imprudence et à son impardonnable faiblesse, mistress Staunton avait trouvé moyen de placer une partie considérable de sa fortune sur la tête de son fils, et de la mettre à sa disposition exclusive. En conséquence de cet arrangement, il n’y avait pas long-temps que George Staunton était en Angleterre quand il connut son indépendance et les moyens qu’il avait d’en abuser. Pour corriger les défauts de son éducation première, son père le plaça dans une pension bien dirigée ; mais quoiqu’il ne manquât pas de capacité pour apprendre, son caractère fougueux et sa mauvaise conduite le rendirent bientôt insupportable aux maîtres. Il trouva les moyens, trop facilement offerts aux jeunes gens qui sont destinés à avoir de la fortune, de se procurer de l’argent à volonté, ce qui lui permit de se livrer dans l’adolescence à toutes les folies d’un âge plus avancé. Ces heureuses dispositions firent qu’on le renvoya à son père comme un mauvais sujet qui en pourrait perdre cent autres par son exemple.

M. Staunton le père, qui depuis la mort de sa femme s’était livré à une mélancolie que la conduite de son fils n’était pas faite pour dissiper, avait pris les ordres, et fut pourvu par son frère, sir William Staunton, du rectorat de Willingham. Le revenu du bénéfice était pour lui d’une grande importance ; car il lui était resté peu de chose des biens de sa femme, et sa fortune personnelle n’était que celle d’un cadet de famille. Il établit son fils chez lui, dans sa résidence du rectorat ; mais ses désordres ne tardèrent pas à lui causer les plus grands chagrins. Bientôt le jeune créole, impérieux, tyrannique et fier de son opulence, voyant que les jeunes gens de son rang n’étaient nullement disposés à supporter son insolence et sa hauteur, prit le goût de la mauvaise compagnie, le plus pernicieux qui puisse exister pour un jeune homme, et ne s’associa plus qu’avec des êtres vils et dégradés. Son père le fit voyager, mais il revint de ses voyages plus libertin et plus effréné que jamais. Ce malheureux jeune homme n’était pourtant pas sans quelques bonnes qualités. Il avait l’esprit vif, un bon cœur, une générosité sans bornes, et ses manières, tant qu’il s’imposait quelque contrainte, étaient agréables en société ; mais rien de tout cela ne put balancer l’effet de ses mauvais penchants. Passant sa vie dans les maisons de jeu, aux courses, aux combats de coqs, dans tous les lieux en un mot où la folie et les vices se donnent rendez-vous, il avait dissipé avant