Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/39

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larmes, mais Wilson paraissait n’en avoir pas complètement compris le sens, ou être absorbé par des pensées toutes différentes ; disposition tellement naturelle dans sa situation, qu’elle n’excita ni surprise ni soupçon.

La bénédiction ordinaire ayant été prononcée, la plupart des assistants avant de se retirer satisfirent leur curiosité en regardant avec plus d’attention les deux coupables, qui étaient alors debout, aussi bien que leurs gardes, pour sortir dès que la foule serait écoulée. Un murmure de compassion s’élevait parmi les spectateurs, sans doute à cause des circonstances atténuantes de l’affaire, quand tout à coup Wilson, qui, comme nous l’avons déjà dit, était fort et vigoureux, saisit un soldat de chaque main, en criant à son compagnon : « Sauve-toi ! Geordy, sauve-toi ! » puis, se jetant sur un troisième, il le retint par son habit avec ses dents. Robertson étonné restait immobile, sans penser à profiter du moyen qui lui était offert de prendre la fuite ; mais plusieurs des assistants, entraînés par un intérêt très-naturel, ayant crié : « Sauve-toi ! sauve-toi ! » il se débarrassa du quatrième soldat, s’élança hors du banc, se perdit dans la foule qui s’écoulait, sans que personne voulût arrêter un malheureux et le priver de la dernière chance d’échapper à la mort. Il gagna la porte, et toutes les recherches que l’on fit ensuite pour le découvrir furent infructueuses.

L’intrépidité généreuse que Wilson montra en cette occasion augmenta encore la compassion qu’excitait son sort. Le public, quand il est dégagé de toute prévention, embrasse ordinairement le parti de l’humanité ; il admira la conduite de Wilson et se réjouit de la fuite de Robertson. Ce sentiment était si général, qu’un bruit vague courut que Wilson serait délivré au moment de l’exécution, soit par la populace, soit par quelques-uns de ses anciens associés, soit par un nouvel acte de force et de courage de sa part. Les magistrats jugèrent qu’il était de leur devoir de prendre les mesures les plus efficaces pour empêcher toute espèce de troubles. Ils mirent donc sur pied, pour assurer force à la loi, la plus grande partie de la garde de la ville, sous les ordres du capitaine Porteous, dont le nom est devenu mémorable depuis les tristes événements de cette journée et ceux qui en furent la suite. Il paraît nécessaire de dire un mot de cet officier et du corps qu’il commandait ; mais le sujet est assez important pour mériter un nouveau chapitre.